Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 36e Législature,
Volume 139, Numéro 58

Le jeudi 18 mai 2000
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 18 mai 2000

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Sénat

La retraite obligatoire

L'honorable William M. Kelly: Honorables sénateurs, hier soir, le Président a organisé une belle réunion afin de permettre à trois sénateurs sortants de faire leurs adieux. Cela fait partie de la tradition en usage ici. Je voudrais expliquer pourquoi je n'étais pas présent. J'étais un de ces trois-là. J'avais demandé de pouvoir rencontrer le ministre de la Défense au sujet d'une affaire qui était importante pour moi, et il m'a accordé son audience hier soir entre 16 h 30 et 17 heures. Voilà pourquoi j'ai été dans l'impossibilité d'être à la fête hier soir.

Je dois dire quelques mots. Je ne suis pas encore prêt à dire «adieu». L'obligation de quitter à un certain âge est un cas flagrant de discrimination fondée sur l'âge. Je suis très sérieux. J'ai l'intention de faire deux choses. J'ai l'intention de déposer une plainte à la Commission des droits de la personne et, qui plus est, je vais demander une injonction afin que ce siège ne soit pas occupé par un nouveau sénateur tant que ma cause n'aura pas été entendue.

J'ai compris l'énormité du problème quand j'ai vu le sénateur Stanbury à la tribune mardi. J'ai pensé au sénateur MacEachen et à tous les autres qui, sains de corps et d'esprit, sont tout à fait aptes à remplir leurs devoirs sénatoriaux. Comme ceux avec qui je me suis entretenu sur ce sujet, je serais disposé à faire l'objet d'un examen physique et mental tous les six mois. Je pense qu'il est temps de s'unir et d'y voir, car cette situation est absolument inacceptable.

La Seconde Guerre mondiale

Le cinquante-cinquième anniversaire du Jour de la victoire en Europe

L'honorable Raymond J. Perreault: Honorables sénateurs, au cours du siècle écoulée, des Canadiens de différents âges, des milliers de jeunes de 19 et même de 16 ou de 17 ans, ont servi avec distinction sur les champs de bataille et dans les zones de guerre du monde entier. C'étaient des Canadiens de différentes origines, de différentes religions et de différentes philosophies. Ils étaient venus de chacune des provinces et de chacun des territoires de notre pays. Ils ont servi avec un courage incomparable sur terre, sur mer et dans les airs.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, notre ravitaillement a été maintenu grâce à la marine marchande qui s'est ainsi mérité les grands éloges de Winston Churchill, selon lequel on n'aurait pu gagner la guerre si la bataille de l'Atlantique, avec la forte participation des Canadiens, avait été perdue. Des milliers de personnes de toutes les armées ne sont jamais rentrées.

Beaucoup de ces Canadiens courageux sont enterrés aux côtés de leurs camarades dans les magnifiques cimetières de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth. Les noms et le lieu de repos ultime de milliers de combattants ne sont connus que de Dieu seul. Il en est dont on n'a jamais retrouvé les restes.

Du 1er au 11 mai, les Hollandais et les Canadiens organisent des célébrations importantes, en l'honneur notamment de nos courageux anciens combattants. Cette semaine marque le cinquante-cinquième anniversaire de la libération des Pays-Bas. Comme le savent les sénateurs, les soldats canadiens ont joué un rôle de premier plan dans cette libération.

Dans le nord de l'Europe, des milliers sont tombés au champ d'honneur et reposent dans des cimetières des Pays-Bas et de la Belgique; il y en a même quelques-uns en Allemagne. Les foules sont attirées par les cérémonies qui sont organisées au cours de cette semaine mémorable, notamment des défilés, des carrousels militaires, des réceptions, et des cérémonies de dévoilement de statues.

La délégation du ministère des Anciens combattants a visité de nombreux cimetières et des sites importants comme Apeldoorn. Un dépôt de gerbes a été fait au monument aux morts de la Forêt de la libération. Plus tard, en compagnie de Sa Majesté la Princesse Margriet, nous avons visité le cimetière militaire de Holten et ses 1 355 tombes de combattants canadiens. Il y a également eu une cérémonie et un dépôt de gerbes au cimetière militaire d'Osterbeek. Une visite mémorable a été faite à Utrecht où reposent 2 338 soldats canadiens, et au cimetière militaire de Groesbeek où reposent 2 338 autres Canadiens.

Il y a eu une cérémonie et un dépôt de gerbes au cimetière militaire de Bergen-Op-Zoom; ensuite nous sommes allés en Allemagne où étaient organisées d'autres cérémonies et dépôts de gerbes aux cimetières militaires de Reichswald et de Rheinberg, où reposent plusieurs pilotes canadiens qui se sont écrasés sur le sol allemand. La dernière mais non la moindre des cérémonies fut celle de l'enterrement d'un soldat canadien dont le corps vient d'être retrouvé. Il a été enterré avec les honneurs et beaucoup de Canadiens ont assisté à la cérémonie. Il n'a pas de nom. C'est vraiment le soldat inconnu dans le cadre des célébrations marquant le cinquante-cinquième anniversaire de la libération de la Hollande.

(1340)

Honorables sénateurs, il y a eu des défilés, des événements culturels, des réceptions et des dîners. Les rues étaient remplies de citoyens hollandais reconnaissants. L'hospitalité hollandaise a été absolument remarquable et les Hollandais ont exprimé leur gratitude pour les sacrifices consentis par les Canadiens en Hollande il y a tant d'années.

Chose importante, les enfants hollandais ont joué un rôle de premier plan dans tous les événements publics. Les tombes des soldats canadiens ont été décorées par de jeunes enfants hollandais, qui les ont ornées de petits drapeaux canadiens alors que des compositions écrites par d'autres jeunes Hollandais et des poèmes écrits pour l'occasion ont été présentés.

J'ai demandé à l'un de nos hôtes pourquoi les enfants jouaient un rôle si important dans ces célébrations entourant l'anniversaire de la libération. Il m'a répondu: «Les Canadiens - dont beaucoup étaient très jeunes - nous ont libérés après cette terrible guerre qui a duré si longtemps. Nous n'oublierons jamais.» Il a ajouté: «Nous croyons qu'il est important que nos jeunes sachent ce qui s'est produit durant ces terribles années de guerre et connaissent le coût de la liberté. Nous voulons que nos jeunes n'oublient jamais qui nous a donné notre liberté et les nombreux Canadiens qui sont morts pour nous et qui ont fait le sacrifice de leur vie.»

En conclusion, honorables sénateurs, cet homme a aussi dit: «Nous rappelons à nos jeunes que beaucoup de ces jeunes Canadiens avaient pratiquement le même âge qu'eux. Ces Canadiens tombés au combat auraient pu faire de grandes choses. La guerre les a empêchés d'avoir de longues vies productives.» Comme notre hôte hollandais l'a dit: «Nous ne devrons jamais, au grand jamais, les oublier.»

Honorables sénateurs, cela a été une semaine merveilleuse et émotive - une semaine inoubliable. C'est une semaine qui mettait l'accent sur les liens spéciaux qui unissent la Hollande et le Canada, des liens qui demeureront toujours. C'est une semaine au cours de laquelle on a émis l'espoir qu'il n'y aura plus jamais une autre guerre et qu'il ne sera plus jamais nécessaire de faire des sacrifices comme ceux qu'ont exigés la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale.

Le Code de conduite officiel des parlementaires

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, il est temps que le Parlement du Canada ait un code officiel de conduite pour les parlementaires. Le but d'un tel code est d'aider à concilier les responsabilités officielles des sénateurs avec leurs intérêts personnels. Un code de conduite aiderait à éviter même un conflit d'intérêts possible.

Depuis que j'ai été appelé au Sénat, il y a une dizaine d'années, j'ai pris la parole huit fois afin de prier instamment les honorables sénateurs d'adopter un tel code. Comme vous le savez, j'ai coprésidé un comité mixte spécial concernant l'adoption d'un code de déontologie avec Peter Milliken, député, et nous avons déposé un rapport en mars 1997. Depuis ce temps, rien ne s'est produit. Ni la Chambre des communes ni le Sénat n'a adopté le rapport.

Honorables sénateurs, d'autres travaux ont bien sûr été accomplis au cours des dernières années et il existe bon nombre de dispositions répondant aux préoccupations des parlementaires en ce qui concerne les conflits d'intérêts et le Code de déontologie. Ces règles ne sont pas réunies dans une seule loi, mais on les trouve dans la Loi sur le Parlement du Canada, le Code criminel, le Règlement du Sénat, le Règlement de la Chambre des communes, le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, ainsi que dans d'autres lois. Bon nombre de ces dispositions sont plutôt archaïques et portent uniquement sur des situations précises. La majorité des Canadiens reconnaissent généralement qu'un ensemble de règles plus à jour et plus pertinent s'impose, tant pour orienter les politiciens que pour garantir au public canadien que nous devons respecter des normes élevées de conduite dans toutes nos activités.

Cette semaine, je me suis de nouveau rappelé que nous n'avons pas de code lorsque j'ai reçu le cinquième rapport du comité des normes applicables à la vie publique, présidé par le lord Neil of Bladenm, c.r. Intitulé Reinforcing Standards, il passe en revue le premier rapport du comité des normes applicables à la vie publique au Royaume-Uni. Ce comité a été constitué en octobre 1994 par le très honorable John Major, dans un contexte de préoccupations publiques concernant les normes applicables à la vie publique. À cette époque, il y avait trois problèmes importants au Royaume-Uni: le scandale des questions rémunérées; les allégations selon lesquelles d'anciens ministres obtenaient des postes auprès d'entreprises avec lesquelles ils avaient entretenu des liens pendant qu'ils étaient au gouvernement; et une perception selon laquelle les partis politiques exerçaient une influence indue sur les nominations dans les organismes publics.

Honorables sénateurs, je suis d'avis que les politiciens devraient être à l'abri d'allégations semblables et qu'une des façons de commencer à instituer ce genre de respect consiste à adopter un ensemble de principes officiels et un code de déontologie prévoyant les mesures de transparence et de reddition de comptes auxquelles le public a droit. Après tout, servir au Parlement est une question de confiance du public. Nous devrions adopter un code de déontologie officiel afin de donner au public l'assurance que tous les parlementaires sont tenus de respecter des normes qui font passer l'intérêt du public avant les intérêts des parlementaires, et de fournir un système transparent permettant au public de juger que c'est bien ainsi que les choses se passent.


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi sur le recyclage des
produits de la criminalité

Adoption de la motion portant dessaisissement du comité des affaires juridiques et constitutionnelles et renvoi au comité des banques et du commerce

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1) f) du Règlement, je propose:

Que le projet de loi C-22, Loi visant à faciliter la répression du recyclage financier des produits de la criminalité, constituant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, qui a été renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, soit retiré dudit comité et renvoyé au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Plus tard]

La loi sur la concurrence

Projet de loi modificatif-Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message accompagné du projet de loi C-276, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (commercialisation par abonnement par défaut).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance du lundi 22 mai 2000.)


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le développement des ressources humaines

Le rapport du commissaire à la protection de la vie privée-Le fichier central contenant des renseignements personnels sur les citoyens-Les garanties du gouvernement

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, dans son dernier rapport, le commissaire à la protection de la vie privée a rédigé un chapitre intitulé «Le dossier unique sur chaque citoyen existe [...] à DRHC». Il nous dit que le fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre contient des données sur plus de 33,7 millions d'individus. DRHC nous dit maintenant que s'il garde 2 000 données sur chacun de nous, c'est aux fins de la formulation d'une politique de la main-d'oeuvre pour combattre le chômage, de programmes de formation, etc. Que je sache, la responsabilité en matière de formation a été transférée aux provinces, du moins à certaines.

Les statistiques sur le chômage publiées ce matin se rapportent à la période allant jusqu'à la fin de 1999. Elles indiquent que 6,3 millions de personnes travaillent dans de grandes entreprises de plus de 300 salariés et dans de petites et moyennes entreprises de 50 à 300 salariés, et que 5,5 millions de personnes travaillent dans de petites entreprises de moins de 50 salariés. Il y a 800 000 travailleurs indépendants et 1,5 million de chômeurs.

(1350)

Donc, sur 14,1 millions de personnes, soit la moitié des Canadiens, 10 p. 100 sont au chômage. Pourtant, nous gardons des dossiers sur 35 millions de personnes, y compris sur 90 p. 100 des gens qui ne sont aucunement préoccupés par le chômage, comme nous tous ici.

Nous avons besoin d'informations sur 5 p. 100 de la population canadienne totale; pourtant nous mettons en place un fichier colossal sur 35 millions de gens, soit 5 millions de plus que le nombre de Canadiens en vie, et 25 000 employés le font fonctionner. Voilà un dérapage bureaucratique en règle!

Le ministre va-t-il s'engager à signer un accord avec le Québec, la Colombie-Britannique, l'Ontario et l'Alberta pour mettre fin à ces absurdités kafkaïennes?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur d'avoir soulevé la question encore une fois aujourd'hui. Le dossier à HRDC, dont le commissaire à la protection de la vie privée et lui ont parlé, est appelé Fichier longitudinal sur la main-d'oeuvre, ce qui est assez long. Il a été créé en vue d'étudier et d'évaluer les programmes sociaux canadiens et les impacts de certaines mesures législatives qui sont en place depuis très longtemps. Il constitue également une aide pour la conception de mesures gouvernementales et de projets de loi.

La ministre responsable de DRHC et la ministre de la Justice ont déclaré publiquement - et c'est ce que j'ai dit - que la Loi sur la protection des renseignements personnels est confrontée, dans la société d'aujourd'hui, à des défis qui n'existaient simplement pas il y a cinq ou dix ans. Pour cette raison, il est justifié de la réviser. Certains changements ont déjà été institués par DRHC et d'autres sont envisagés. Je crois que le commissaire à la protection de la vie privée a confirmé que tout est légal. En fait, il n'a pas demandé qu'on mette fin à ces pratiques, mais simplement qu'on réponde aux défis plus grands que présente la protection de la vie privée avec les nouvelles technologies.

Je suis persuadé que la ministre responsable de DRHC y répond de façon appropriée. Je suis également heureux que la ministre de la Justice ait indiqué publiquement qu'il est peut-être temps de réviser les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[Français]

Le sénateur Bolduc: Honorables sénateurs, le gouvernement ne veut pas cesser le transfert de données du ministère du Revenu national au ministère du Développement des ressources humaines. J'ai toujours tenu pour acquis que nos rapports d'impôt étaient confidentiels. Maintenant, il va y avoir des données qui seront transmises d'un ministère à l'autre. Ce n'est pas acceptable. Depuis 1917, on a toujours compris que les rapports d'impôt se retrouvaient uniquement au sein d'un ministère. Le fait de partager des données entre les deux ministères, d'un gouvernement à l'autre, nous pouvons le comprendre et l'accepter. Il y a 25 000 employés au ministère du Revenu national. Le ministre a dit hier que seulement six employés ont accès à ces informations.

Selon moi, il faudrait insister auprès du ministre de la Justice pour que les données du ministère du Revenu national ne soient pas divulguées à d'autres ministères. Il faut s'assurer que les rapports d'impôt soient confidentiels. C'est le minimum que nous pouvons exiger.

[Traduction]

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je transmettrai certainement le point de vue exprimé par l'honorable sénateur à mes collègues du Cabinet, y compris la ministre de la Justice, qui s'est montrée favorable à un examen de la Loi sur la protection des renseignements personnels.

Je répète que des dispositions ont été prises pour assurer le cryptage de toute l'information transférée à DRHC. Par ailleurs, la ministre a indiqué publiquement que seulement six personnes au sein de son ministère ont la capacité d'accéder à cette information. Je crois que les gens reconnaissent, de façon générale, que les programmes et les dispositions législatives concernant l'utilisation de cette information fonctionnent efficacement et que l'utilisation de l'information pour les fins de conception des futurs lois et programmes est justifiée.

Je transmettrai certainement le point de vue de l'honorable sénateur à mes collègues.

L'utilisation des numéros d'assurance sociale dans la collecte de renseignements sur les simples citoyens

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, lorsque le numéro d'assurance sociale a été institué, on a donné de nombreuses assurances qu'il ferait l'objet d'une utilisation très limitée. Compte tenu du rôle que joue maintenant la technologie moderne, le gouvernement va-t-il s'engager à faire une enquête au sujet de la promesse qui a été faite concernant l'utilisation des numéros d'assurance sociale et des utilisations abusives dont ce numéro fait l'objet à la grandeur du Canada? L'utilisation abusive du numéro d'assurance sociale, surtout dans le contexte de la technologie moderne, accentue infiniment le problème auquel nous sommes actuellement confrontés.

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella a bien mis en évidence le défi grandissant que pose la technologie au monde moderne. Cette technologie utilise les numéros d'assurance sociale, les numéros de cartes de crédit, et cetera. Ces renseignements sont souvent communiqués librement par leurs détenteurs mais, encore une fois, ils sont parfois utilisés à des fins autres que celles prévues ou même imaginées par leurs détenteurs.

Je crois, comme le ministre et l'honorable sénateur, que le moment est peut-être venu de faire le point sur la situation actuelle, en l'an 2000. Peut-être devons-nous examiner la capacité de la nouvelle technologie et déterminer dans quelle mesure elle rend nécessaire l'adoption de nouvelles dispositions pour protéger les renseignements personnels. Le moment est peut-être venu de moderniser nos pratiques et nos lois.

Je communiquerai les préoccupations de l'honorable sénateur à la ministre de la Justice.

La Défense nationale

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La possibilité d'acheter à une société française

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je désire poser une question à mon héros, qui est de retour. Nous sommes en mesure de confirmer que son prédécesseur a été promu au rang de premier maître intérimaire. Le leader du gouvernement va-t-il tenter sa chance?

Nous avons appris, de sources très sûres, que durant le voyage que le premier ministre effectuera en France en juin, il discutera avec les représentants du gouvernement français et des membres des sociétés Aérospatiale et Daimler Chrysler d'un projet de contrat avec Eurocoptère pour remplacer la flotte de Sea King vieillissante.

(1400)

Ce que je veux, monsieur le ministre, c'est que les Forces canadiennes disposent du matériel qu'il leur faut pour accomplir leur travail; et non du matériel le moins cher sur le marché ni d'appareils qui ont été rejetés lors de la dernière inspection parce qu'ils reposaient sur une technologie vieille d'au moins 20 ans. Cela me préoccupe quelque peu.

Ce que je veux savoir du leader du gouvernement au Sénat, c'est si le gouvernement prévoit faire un achat dicté de Cougar Mk 2 français d'Eurocoptère pour remplacer les Sea King?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de soulever la question de mon récent voyage en hélicoptère. Je suis heureux d'avoir l'occasion de parler de mon expérience avec des sénateurs, du moins au Sénat, sinon dans l'hélicoptère.

J'ai eu la chance de prendre un vol opérationnel au cours duquel nous nous sommes posés, en mer, sur le NCSM St. John's, qui était en service actif. Nous sommes allés chercher un marin sur ce navire, nous avons procédé à des manoeuvres routinières de lutte anti-sous-marine et simulé une mission de recherche et de sauvetage, puis nous sommes rentrés sains et saufs et sans incident au bout de deux heures et demie environ.

J'ai été exceptionnellement impressionné par le professionnalisme de l'équipage et sa maîtrise du matériel. Le sénateur serait probablement d'accord avec moi là-dessus. Tout ce qu'ils ont pu faire, ils l'ont fait de façon très professionnelle. J'ai été ravi d'avoir l'occasion d'observer l'appareil en activité et de voir par moi-même ce que font ces gens-là. J'ai aimé aussi m'entretenir avec un équipage qui se sert tous les jours de l'appareil.

Le sénateur Forrestall: Où est le carnet de vol?

Le sénateur Boudreau: Quant à l'autre question du sénateur, je dois dire que je n'en sais rien. Je ne peux donc pas confirmer ni démentir l'information que le sénateur apporte aujourd'hui. Je vais certes transmettre la question et fournir la réponse en temps voulu. Je ne peux rien dire dans un sens ni dans l'autre.

Le remplacement des hélicoptères Sea King-La transparence du processus d'achat

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, nous savons tous que le ministre ne veut pas particulièrement passer par-dessus son orgueil et acheter les EH-101 après que l'annulation du contrat eut coûté la somme embarrassante de près d'un milliard de dollars. Il semble que les Cougar Mk 2 viendront peut-être avec la promesse d'une ou deux usines Chrysler et la promesse du gouvernement français de ne pas se mêler d'un éventuel référendum au Québec, le cas échéant.

Même si le Cougar emploie une technologie vieille de plus de 20 ans, est mal équilibré et n'est pas un véritable hélicoptère maritime, à ma connaissance, il est utilisé uniquement d'une façon limitée par la marine française et par la marine chilienne.

Le ministre peut-il nous assurer que le concours pour choisir le remplaçant du Sea King sera équitable, transparent et conforme à l'énoncé des besoins opérationnels?

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas commenter spécialement sur certains points du préambule à la question de l'honorable sénateur, sauf pour dire qu'il est un peu difficile de croire que de tels facteurs entreraient en ligne de compte.

Comme l'honorable sénateur me l'a dit à plusieurs reprises - et j'ai parlé à d'autres sénateurs sur ce point - si on passait demain une commande pour remplacer tous les Sea King, il faudrait un certain temps avant que le nouvel appareil arrive et soit mis en service actif. En fait, le délai entre la commande et l'entrée en service d'un nouvel appareil dépendrait dans certains cas du genre de processus d'acquisition que l'on suivrait.

Le sénateur Forrestall: C'est de cela que je veux parler.

Le sénateur Boudreau: Diverses options s'offrent. Rien, que je sache, ne me porte à croire que l'on envisage de suivre d'autre processus que les pratiques normales d'acquisition. Je vais certainement m'informer afin de communiquer au sénateur toute l'information que je pourrai obtenir à ce sujet.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, pour ma part, je ne songe pas à acheter un appareil presque inutile disponible dans le commerce pour suivre un processus normal d'acquisition. Nous parlons d'un appareil qui doit durer 20 ou 30 ans. Nous ne parlons pas d'acheter un appareil employant une technologie vieille de 20 ans. Les membres des Forces armées canadiennes méritent un peu mieux. Si nous devons attendre cinq ans, je demanderais au ministre de faire en sorte que les membres des Forces armées profitent d'un processus convenable et obtiennent l'appareil qu'ils veulent et dont ils ont besoin, comme ils nous le disent depuis 10 ou 15 ans.

Le ministre transmettra-t-il l'inquiétude que j'ai exprimée aujourd'hui à ses collègues du Cabinet, y compris au premier ministre, et reviendra-t-il nous apporter une réponse à la question de savoir si quelqu'un au gouvernement songe ou non à commander le Cougar Mk2 d'Eurocopter déjà existant?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, je vais me renseigner, comme je l'ai indiqué. La réponse que je rapporterai dépendra évidemment des personnes à qui je m'adresserai. J'ai toujours pensé que l'appareil qui sera retenu ne sera certainement pas choisi sans la recommandation des experts et des officiers militaires.

N'étant pas moi-même spécialiste en la matière, je suis enclin à faire confiance aux experts qui connaissent les divers appareils possibles pour remplacer les hélicoptères et qui nous conseillerons là-dessus.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, est-ce que les experts auxquels le ministre fait confiance aujourd'hui sont les mêmes que ceux qui avaient recommandé l'achat du EH-101 il y a une dizaine d'années?

Le sénateur Boudreau: Honorables sénateurs, comme je n'étais pas ici il y a dix ans, je n'ai aucune idée de qui ils étaient à l'époque. Quel que soit l'hélicoptère de remplacement qui sera choisi, ce sera un appareil qui a été examiné et approuvé par les experts militaires actuels.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ça ne répond pas à ma question. Ils attendent toujours comme vous savez.

Le Sénat

La proposition d'instituer une procédure pour les réponses du gouvernement aux pétitions

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le sénateur Forrestall vient juste de parler de la manière de faire part de nos préoccupations au Cabinet et à ceux qui prennent les décisions.

J'ai découvert récemment qu'il existe une pratique à l'autre endroit selon laquelle le gouvernement dépose sur le Bureau sa réponse aux pétitions. Cette pratique n'existe pas au Sénat. Je parle de pétitions du genre de celle qu'a présentée le sénateur Milne, par exemple, sur les recherches généalogiques et les données du recensement. On se demande souvent si ces pétitions servent à quelque chose, si elles attirent l'attention qu'elles méritent ou même si, à part les greffiers, quelqu'un les écoute. Quand à ce qu'elles deviennent, nous n'en avons pas la moindre idée. En fait, je me demande si les pétitionnaires eux-mêmes n'ont pas parfois l'impression qu'ils s'adressent au vent puisque nous ne voyons jamais de résultats concrets.

Est-ce que le leader du gouvernement au Sénat serait en faveur d'une modification au Règlement du Sénat ou d'un engagement de la part du gouvernement à déposer une réponse substantielle aux pétitions présentées en cette enceinte par les sénateurs au nom des Canadiens?

(1410)

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie le sénateur d'avoir soulevé cette question. Je reconnais son expérience quant aux pratiques de l'autre endroit en particulier. Cette idée me semble raisonnable et je vais y travailler.

Réponse différée à une question orale

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai une réponse à la question posée au Sénat le 4 mai 2000 par le sénateur Meighen relativement à la possibilité de suspendre le programme de vaccination contre la fièvre charbonneuse.

La défense nationale

La possibilité de suspendre le programme de vaccination contre la fièvre charbonneuse

(Réponse à la question posée par l'honorable Michael A. Meighen le 4 mai 2000)

Il est prévu que le NCSM Calgary ne quittera pas le Canada avant juin et qu'il commencera à patrouiller en juillet. Les Forces canadiennes surveillent et évaluent attentivement les niveaux de risque et prendront les mesures nécessaires pour protéger leur personnel.

Le vaccin contre la fièvre charbonneuse commence à protéger contre cette maladie mortelle dès la première innoculation. Des anticorps protecteurs se développent chez 85 p. cent des personnes après une seule dose et ce taux augmente jusqu'à 95 p. cent après trois doses. Pour obtenir une protection additionnelle, les membres des Forces canadiennes recevraient des antibiotiques jusqu'à ce qu'ils aient pris la troisième dose.

La Food and Drug Administration (FDA) des États-Unis n'émet de permis pour un vaccin que s'il satisfait aux normes rigoureuses qu'elle impose et qui sont parmi les plus élevées au monde. Ce permis est en vigueur depuis 1970 et n'a jamais été révoqué. La FDA a confirmé publiquement la sécurité et l'efficacité du vaccin contre la fièvre charbonneuse de la société Bioport. Toutefois, vu que la seconde question porte sur la sécurité du vaccin, une question qui a été l'enjeu d'une récente décision en cour martiale et qui pourrait faire l'objet d'un appel, il ne conviendrait pas de faire d'autres commentaires à ce sujet.

Dépôt de la réponse à une question inscrite au Feuilleton

Les affaires étrangères-Les droits de la personne en Chine-La position du gouvernement

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement) dépose la réponse à la question no 11 inscrite au Feuilleton par le sénateur Kinsella.
[Plus tard]

Visiteur de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune de Son Altesse royale le prince El-Hassan Bin Talal du Royaume de Jordanie.

Votre Altesse royale, au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi électorale du Canada

Adoption de la motion d'attribution de temps

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, par le passé, au début des «Affaires du gouvernement», j'en ai toujours profité, conformément à l'article 38 du Règlement, pour faire le point sur les négociations entre le chef adjoint de l'opposition et moi-même.

Je suis certain que le sénateur Kinsella voudra intervenir, mais je tiens à signaler maintenant que nous nous sommes entendus sur la date et l'heure du vote sur le projet de loi C-2.

Conformément à l'article 38 du Règlement, je propose:

Que, relativement au projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres loi, au plus tard à 17 heures le mercredi 31 mai 2000, toutes délibérations devant le Sénat soient interrompues et que toutes questions nécessaires pour disposer de la troisième lecture du projet de loi soient mises aux voix immédiatement sans autre débat ou amendement, et qu'aucun vote sur lesdites questions ne soit reporté; et

Que, si un vote par appel nominal est demandé, le timbre d'appel des sénateurs sonne durant trente minutes pour que le vote ait lieu à 17 h 30.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Kinsella, je vous rappelle que de telles motions ne peuvent faire l'objet d'aucun amendement ni d'aucun débat. Toutefois, la permission de formuler des commentaires peut-être demandée.

Le sénateur Hays: Je demande cette permission, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Merci, honorables sénateurs. Je voulais dire que je suis d'accord avec le leader adjoint du gouvernement en ce qui concerne ma position. Le sénateur Hays a correctement décrit l'essence de nos discussions, et nous voterons le 31 mai.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, s'agit-il d'un rappel au Règlement?

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, oui, en un sens. Je veux simplement m'assurer qu'en adoptant cette motion nous signifions que le vote se tiendra à un moment déterminé, qu'il est absolument clair que l'ordre du Sénat relativement à la date et l'heure du vote sera entièrement respecté et qu'on ne verra plus jamais au Sénat ce que je considère être une erreur commise hier lorsque, suite à une permission, les honorables sénateurs ont convenu de ne pas tenir compte de l'heure au sujet d'un ordre du Sénat. La décision de ne pas tenir compte de l'heure s'applique habituellement à la règle voulant que les séances prennent fin à 18 heures. Un ordre du Sénat ne peut tout simplement pas être écarté au moyen d'une permission accordée par consentement unanime. Je répète le point que j'ai fait valoir hier. Autrement dit, si Son Honneur a devant lui un ordre du Sénat qui lui ordonne de tenir compte de l'heure et de faire sonner le timbre à un moment déterminé; cette motion ne peut tout simplement pas être écartée ou modifiée au moyen d'une permission accordée par le Sénat de ne pas tenir compte de l'heure.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Cools, je vous remercie de vos observations. Cela dit, je n'ai pas le pouvoir d'agir dans ce sens. Je suis certain que l'on vous a entendue.

Je rappelle à tous les honorables sénateurs que lorsqu'une permission est demandée, n'importe quel sénateur peut se lever ou simplement dire «Non», auquel cas la permission est refusée.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, sous la rubrique «Affaires du gouvernement», je voudrais appeler d'abord l'article no 2: Reprise du débat sur le projet de loi C-20. Je crois savoir que nous avions suspendu le débat à la fin de l'intervention du sénateur Murray.

Projet de loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Hays, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que la motion soit modifiée par suppression de tous les mots suivant le mot «Que» et substitution de ce qui suit:

«le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais que l'ordre soit révoqué, le projet de loi retiré et sa teneur renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles».

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'avais terminé mes observations et répondu à plusieurs questions. Je ne crois pas qu'il y avait d'autres questions lorsque nous avons ajourné hier.

L'honorable Anne C. Cools: Puis-je poser une question au sénateur Murray?

Le sénateur Murray: Certainement.

Le sénateur Cools: On a beaucoup parlé en cette Chambre de la possibilité d'appuyer l'objet du projet de loi et la notion d'exigence de clarté. On craint également que certains efforts pour assurer la clarté risquent en fait de mener à une plus grande confusion.

Je croyais savoir qu'il n'y avait aucune possibilité de sécession dans la légalité. J'ai même toujours cru que, jusque très récemment, même le terme «sécession» était banni de la terminologie du Parlement et de la politique au Canada. Vous vous souviendrez que, jusqu'il y a peu, on parlait de «souveraineté» et, avant cela, de «souveraineté-association».

(1420)

Voici ma question: dans la mesure où le projet de loi C-20 donne au gouvernement la capacité ou l'obligation législative de négocier la sécession et étant donné que le projet de loi crée pour la première fois un cadre qui permet apparemment la sécession, ai-je raison de conclure qu'il rend ainsi la sécession non seulement possible, mais aussi légitime, et dit très indirectement aux Québécois que c'est un choix acceptable et légal de voter pour la sécession à l'occasion d'un référendum?

Le sénateur Murray: Pour répondre rapidement à la question, j'estime que, effectivement, le projet de loi légitime l'option sécessionniste. La plupart des autres points soulevés par le sénateur ont été examinés à fond dans plusieurs des interventions de sénateurs qui, de toute évidence, ont fait sur la question des recherches approfondies.

Quant à la clarté, il s'agit d'un objectif louable. Pour ce qui est de savoir si le projet de loi apporte une certaine clarté, c'est une question que mes collègues et moi voudrons étudier méticuleusement avec le ministre Dion, si le projet de loi est adopté en deuxième lecture et est renvoyé au comité. Dans le cas contraire, la question tombe d'elle-même, comme toutes les autres.

L'honorable P. Michael Pitfield: Honorables sénateurs, je suis heureux d'intervenir brièvement dans le débat sur le projet de loi C-20. C'est une mesure législative vraiment extraordinaire et remarquable - non pas de par sa forme ou de son libellé, mais plutôt parce qu'elle exprime une idée. C'est pourquoi elle bénéficie d'un vaste appui.

Pour ce qui est des dépenses, le projet de loi n'en occasionne pratiquement aucune. Il n'impose pas de grandes exigences. Il ne prévoit aucune initiative d'envergure. Il énonce très peu de commandements. Il décrit simplement comment le gouvernement fédéral devrait agir face à des référendums provinciaux particuliers et à leurs répercussions. Voilà. Pour ce qui est de l'ingérence dans les droits des citoyens ou les pouvoirs des provinces, il y a peu à redire.

Le projet de loi a eu beaucoup de retentissement tant chez les anglophones que chez les francophones du Canada. On a donné à entendre à tous ces Canadiens que le projet de loi est généralement considéré comme marqué au coin de la prudence et de la prévoyance - qu'il traduit la réaction d'un gouvernement à un danger pour lequel il ne peut se permettre de ne pas être prêt.

Tous les gouvernements se préoccupent davantage maintenant de dépenses qu'ils ne le faisaient auparavant, et c'est pourquoi ce projet de loi se distingue tellement.

C'est une mesure comme on en voit de plus en plus de ce temps-ci. Ce projet de loi concerne la réalisation d'objectifs. Il est utilisé pour faire connaître la position d'une partie. Ce n'est pas un projet de loi typique de ceux dont on a l'habitude et qui servent à gouverner ou à réglementer. C'est un projet de loi qui interpelle les gens d'une nouvelle façon.

L'approche adoptée pour régler cette question comporte bien des coûts cachés. Par exemple, elle est très destructive pour les systèmes de reddition de comptes. Elle a le même effet sur les systèmes de gestion du personnel et d'administration que sur le concept traditionnel d'administration publique. Je ne dis pas cela pour critiquer, mais plutôt pour planter le décor. Les coûts de ce genre d'initiative doivent être pris en considération lorsqu'on veut déterminer si elle enrichit ou non le rôle du Parlement. Il faut mesurer les coûts en regard des inquiétudes par rapport aux objectifs correspondant, et en regard des systèmes de prise de décision et de la prise de décision elle-même.

Honorables sénateurs, tout cela explique pourquoi je suis tenté d'appuyer ce projet de loi. C'est la sorte de gestion des techniques que les fonctionnaires et les rustauds aiment bien approuver.

(1430)

La prochaine fois que quelqu'un rédigera un discours à ma place en imprimant du texte des deux côtés de la page, je le ferai pendre haut et court. De plus, je défie tous ceux ici présents qui se plaignent de se rendre chez l'opticien 20 minutes avant leur discours pour se faire mettre des gouttes dans les yeux et d'essayer ensuite de déterminer quelle sont les distances exactement.

Plus sérieusement, je veux défendre ces idées de technocrates et c'est pourquoi j'appuie le thème central de ce projet de loi. Je félicite le premier ministre du talent qu'il a exercé pour convaincre ses collègues et ceux des autres paliers de gouvernement dont l'appui est nécessaire, pour faire adopter ce genre de projet de loi.

Le projet de loi est effectivement une mesure prudente et il a déjà contribué de plusieurs façons à éclaircir les idées, mais les éclaircissements ont souvent un double effet, sinon pour le professeur du moins pour l'élève. Je l'avoue, pour l'élève que je suis, bien que le projet de loi C-20 semble favoriser une meilleure compréhension, il laisse néanmoins un certain goût amer sur certains points.

On pourrait parler longuement, par exemple, des répercussions du projet de loi sur le rôle du Sénat. À cet égard, on laisse entendre depuis longtemps, dans certains milieux, que quelques ministres et leurs collaborateurs sont de farouches partisans de l'abolition du Sénat. Il n'y a rien de mal à cela. Les opinions au sujet du Sénat varient énormément. Il y a beaucoup de place pour la discussion. C'est bien qu'on puisse aborder cette question, mais cela dit, le projet de loi C-20 vient dangereusement près de modifier ce que je crois être le consensus général à l'égard de la Chambre haute, c'est-à-dire qu'il vaut mieux ne pas s'attaquer à cette question en détail autrement que dans le contexte de la réforme générale de la Constitution.

Je ne crois pas qu'il existe une formule plus souvent mentionnée que celle selon laquelle «la Reine, sur la recommandation du Sénat et de la Chambre des communes [...]» et cetera. Cependant, nous sommes maintenant saisis d'un projet de loi qui, implicitement, rejette cela et fait en sorte qu'il n'y a plus trois, mais deux intervenants actifs dans le dossier de la réforme constitutionnelle. Les intervenants ne sont plus la Reine, le Sénat, la Chambre des communes; ce sont dorénavant la Reine et la Chambre des communes. Le gouvernement veut-il vraiment diminuer le rôle du Sénat de la sorte? Veut-il vraiment faire en sorte qu'un des principaux acteurs constitutionnels ne soit pratiquement rien de plus qu'une considération secondaire venant après la constitution du Conseil canadien des chefs d'entreprises?

J'espère que notre comité explorera cette idée très soigneusement et qu'il fera ce qu'il peut pour saisir les tribunaux de la question. Je ne peux pas croire que les tribunaux maintiendront cela et qu'ils considéreront que c'est là une interprétation légitime de la loi ou une façon acceptable de modifier la Constitution.

L'honorable Joyce Fairbairn (Son Honneur le Président suppléant): Je dois informer le sénateur que son temps est écoulé. La permission de continuer est-elle demandée?

Le sénateur Pitfield: Oui.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande si nous pourrions prolonger la période habituelle. C'est la dernière journée de débat. En conséquence, je pense que nous devrions surveiller notre emploi du temps. Je propose que nous accordions encore 15 minutes au sénateur Pitfield.

Son Honneur le Président suppléant: Vous plaît-il, honorables sénateurs, que le sénateur Pitfield continue pendant 15 minutes encore?

Des voix: D'accord.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, j'avais l'intention de participer au débat, mais je serais heureux de céder au sénateur Pitfield tout le temps auquel j'aurais droit.

Son Honneur le Président suppléant: Le sénateur Hays a proposé 15 minutes. Est-il prêt à accepter la suggestion du sénateur Prud'homme?

Le sénateur Cools: Accordons au sénateur Pitfield tout le temps qu'il voudra.

Son Honneur le Président suppléant: Sénateur Pitfield, veuillez continuer.

Le sénateur Pitfield: Honorables sénateurs, je me demande si ce projet de loi constituera un précédent pour d'autres prises en charge par l'exécutif. Je fais allusion au genre de choses que nous avons vues plus fréquemment ces dernières années. Il y a quelque temps, a été pris aux termes de la Loi sur le transfert des fonctions un décret qui conférait essentiellement au premier ministre les pouvoirs de nomination appartenant jusque-là au Parlement.

À mes débuts à Ottawa, je me suis longuement et fermement battu au sujet de la question de laisser à l'époque au ministre de l'Énergie, des Mines et des Ressources le soin de s'occuper de certains problèmes. Voilà que, 10 ou 11 ans après ce grand débat, ils ont rejeté les changements pour en présenter d'autres. Je me suis penché sur la question de savoir comment on compare le point de vue des ministres et des députés d'il y a dix ans à celui des ministres et des députés d'aujourd'hui. À quel point la responsabilité du leadership passe-t-elle des uns aux autres?

Encore une fois, honorables sénateurs, on pense à l'application de ce projet de loi aux pouvoirs des ministres par rapport à la prise en charge de responsabilités. A-t-on jamais l'occasion de vérifier le processus lorsqu'il se perd dans les dédales de la machine gouvernementale?

Le premier ministre s'est dit inquiet des conséquences que le débat sur le projet de loi C-20 pourrait avoir sur sa place dans l'histoire. Il y a quelques instants, je demandais que ce projet de loi soit renvoyé à la Cour. Qu'avons-nous à gagner si un renvoi est demandé et perdu en chemin, au lieu d'accepter de plein gré de procéder à un renvoi dès maintenant? L'une des obligations d'une personne nommée à une charge est de défendre cette charge. À quoi sert le serment que prête une personne lorsqu'elle accepte une charge? Sûrement à défendre cette charge. Comment peut-elle le faire, quand elle subit des pressions pour opter pour un changement de stratégie politique? Il est difficile d'imaginer les pressions qu'une personne peut subir.

Enfin, nous savons que cela n'a guère d'importance, mais comme il s'agit de la loi de la reine, nous devons nous montrer polis. J'avoue que je suis un peu gêné, en tant qu'adulte, de la façon dont nous imposons ici à la reine les changements que nous proposons. Peu importe ce que le gouvernement décide, il est fort probable que le système lui permette de faire ce que bon lui semble. C'est certainement ce qui semble se dessiner dans ce cas-ci, et cela me met en colère.

Honorables sénateurs, je tiens à préciser que je n'ai rien à gagner, sur le plan financier, à défendre ce point de vue. Comme bien d'autres sénateurs, ce n'est pas l'argent qui m'attire ici chaque semaine. Le travail est certes intéressant et satisfaisant, mais croyez-moi, ne laissons pas trop mûrir les choses. Confions la question à quelqu'un d'autre. Profitez-en pour vous gagner plus de partisans, si vous le voulez. La participation au processus politique est capitale pour le système. Il est très important que nous recrutions de nouveaux membres dans nos partis politiques. Il faut faire participer davantage d'intervenants du secteur privé aux fonctions gouvernementales. Si nous devons nous occuper de la question, faisons-le avec conviction.

(1450)

On nous enseigne que le fondement de la démocratie c'est la participation. Le principal véhicule de la participation, c'est le parti. Il me semble que, à certains égards, le système du secteur privé est souvent comblé par le système des partis. Les partis sont loin d'être en parfaite santé. Les partis changent, ils ont besoin d'être rajeunis.

Plutôt que de dépouiller le Sénat de son rôle pour n'en faire qu'une simple entrée dans l'agenda du premier ministre, prenons les choses en mains et exprimons nos vues sur ces délibérations.

Je ne parle pas ici de la démarche suivie, je demande simplement si nous agissons sagement. Pourquoi maintenant? Je suis l'un de nombreux fonctionnaires qui ont travaillé pendant des années en essayant de comprendre le processus gouvernemental. J'étais avec M. Pearson dans l'escalier de l'hôtel Château Laurier au début des années 60, après un discours prononcé lors d'un congrès libéral, lorsque des journalistes lui ont demandé: «Monsieur le premier ministre, ils sont en train de se demander s'il est préférable d'être libéral ou mort. Quel est le rapport entre ce débat et votre position sur la Constitution?» Le programme politique national commençait à peine à se concrétiser à l'époque. Je ne crois pas que le premier ministre ait réfléchi beaucoup avant de répondre, mais il était clairement arrivé à la conclusion que, personnellement, il estimait qu'il était préférable d'être libéral que mort.

Nous avons ensuite abordé la question constitutionnelle sous l'angle du processus et sous l'angle des questions pratiques de fond. Nous avons découvert que nous n'en savions pas beaucoup sur la Constitution et son fonctionnement. Il y avait beaucoup de gros livres de droit, mais peu de réponses. Par conséquent, la question constitutionnelle est devenue un élément du système il y a 40 ans.

Cela tire maintenant à sa fin, à cause du projet de loi C-20. Ce projet de loi met en place certaines idées fondamentales concernant la Constitution, certains processus fondamentaux concernant la façon dont les intérêts des provinces et de certains organismes doivent être considérés. Il définit le processus de négociation, ce qu'un gouvernement peut faire et ce qu'il ne peut pas faire, ce qu'est le rôle de l'information. C'est surtout un élément important du processus de négociation des changements constitutionnels.

Vous aurez l'occasion de parler à vos amis d'un vendredi après-midi où vous avez vu la merveilleuse main de l'amitié se tendre d'un côté à l'autre de cette enceinte, la fois où vous avez plié aux caprices d'un de vos collègues en le laissant évoquer des souvenirs alors que vous auriez dû passer à autre chose de plus pressant. Dans ces circonstances, pourquoi soulever les questions que j'ai soulevées? À mon avis, c'est une des merveilles de ce pays. Pourquoi, sans étude spéciale, le gouvernement fédéral déciderait-il soudainement qu'il veut réduire l'importance d'une institution constitutionnelle dont le rôle n'a fait que s'accroître au cours des années? Rares sont les autres institutions qui ont apporté une telle contribution à notre société. Est-ce que quelqu'un se prépare à demander que notre régime fédéral devienne monocaméral?

(1500)

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Pitfield, je regrette de devoir vous interrompre, mais il est maintenant 15 heures et, conformément à l'ordre adopté par le Sénat le mardi 16 mai 2000, il est de mon devoir d'interrompre les délibérations pour mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour terminer l'étude de la motion de l'honorable sénateur Boudreau, c.p., portant deuxième lecture...

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, l'ordre du Sénat prévoit une sonnerie d'une demi-heure et la tenue d'un vote à 15 h 30 - cela en supposant que le vote par oui ou par non soit tel qu'un vote par assis et levé soit nécessaire. Le sénateur Pitfield n'a pas terminé ses observations et deux autres sénateurs souhaitent intervenir avant que nous ne terminions l'étude de cette question à l'étape de la deuxième lecture; il s'agit du chef de l'opposition et du leader du gouvernement.

Honorables sénateurs, pouvons-nous nous entendre pour modifier l'ordre afin de prévoir 15 minutes de plus? J'espère que le sénateur Pitfield pourra conclure et que le chef de l'opposition et le leader du gouvernement - dans cet ordre - pourront utiliser une partie de ce temps. Je propose de prolonger la période de 15 minutes. Il convient probablement d'accorder cinq minutes à chacun d'eux. Si Votre Honneur pouvait le proposer à la Chambre, en supposant qu'il y ait consentement, nous pourrions au moins compter sur les observations de ces trois participants importants à ce débat.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Hays propose que nous attendions 15 minutes avant de faire retentir la sonnerie d'appel afin de donner 5 minutes à chacun des 3 orateurs qui restent, à savoir l'honorable sénateur Pitfield, c.p., l'honorable sénateur Boudreau, c.p. et l'honorable sénateur Lynch-Staunton.

La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Nous allons procéder ainsi alors. La sonnerie d'appel retentira à 15 h 15 et le vote aura lieu à 15 h 30.

Le sénateur Pitfield: Honorables sénateurs, je tiens à vous remercier de me donner cette dernière occasion de m'attaquer à la question et d'essayer de me racheter en quatre minutes.

Plus on examine le changement proposé en ce qui concerne le Sénat, plus on comprend qu'il est tout à fait ridicule, absolument grotesque. Le gouvernement au pouvoir n'est pas à l'abri de décisions étranges. Je suis persuadé que notre comité voudra examiner attentivement ce qu'on propose.

Lorsqu'une personne affirme qu'elle n'aime pas le Sénat, j'ai tendance à dire «Mais c'est merveilleux. Plus il y aura de gens qui détestent le Sénat, plus on cherchera à le modifier et nous pourrons nous atteler à la tâche.» Ne prétendons pas que les faiblesses du Sénat sont toutes attribuables aux sénateurs. Comprenons plutôt le fonctionnement des deux Chambres législatives qui existent au Canada et aux États-Unis depuis de nombreuses années. Il y a toute une dimension de relations interpersonnelles qui est rattachée à ces institutions.

Lorsqu'ils viennent frapper à votre porte et que vous voulez vous en remettre à ceux que vous honorez et respectez et que vous croyez que ce sont là les enseignements de votre époque, n'oubliez pas le serment que vous avez prêté. Rappelez-vous que le choix du moment est crucial dans nombre de décisions que vous êtes appelés à prendre ici ; il faut savoir quand s'affirmer et quand s'effacer.

Des voix: Bravo!

L'honorable J. Bernard Boudreau (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai déjà parlé à cette étape du débat. Je suis prêt à céder les cinq minutes qui me sont imparties à l'honorable sénateur Pitfield, s'il n'a pas terminé son discours.

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Pitfield, vous avez trois minutes de plus à cette étape du débat.

Le sénateur Pitfield: Honorables sénateurs, je me rappelle de Keith Davey, assis dans la rangée du haut, dans le coin, qui disait: «Ne lui donnez pas la parole, monsieur le Président.» C'est pourquoi je n'ai pas parlé au Président pendant mes 10 premières années ici.

J'ai une chose à dire sur ce sujet et à ceux avec qui j'ai travaillé sur ce sujet au cours des années. Je suis heureux d'avoir l'occasion de dire qu'il est extrêmement important que nous nous forgions une idée sur notre pays et sur ce que nous cherchons à accomplir. Il est extrêmement important que nous défendions nos convictions plutôt que de nous demander d'abord si ce sera rejeté ou non par les décideurs. C'est une affaire cohérente et nationale pour notre pays. Je crois de tout mon coeur que le moment viendra où nous nous emploierons à convaincre nos compatriotes.

(1510)

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, je vais parler brièvement en faveur de l'amendement du sénateur Stratton, sur lequel nous nous prononcerons d'abord. Celui-ci traite de la possibilité de ne pas étudier maintenant le projet de loi C-20, mais de le renvoyer plutôt à un comité. Je voudrais compléter l'argument en lisant aux honorables sénateurs un texte intitulé: «Déclaration solennelle portant sur le droit des Québécois et des Québécoises de décider de leur avenir» qui a été déposé à l'Assemblée nationale du Québec le 3 mai par l'opposition officielle, et je rappelle à tous les honorables sénateurs que c'est le seul parti fédéraliste vraiment fort que nous ayons au Québec.

Je vais lire les passages pertinents sans les extraire de leur contexte.

QUE CETTE ASSEMBLÉE: Réaffirme que les Québécois et Québécoises ont le droit de choisir leur avenir et de décider eux-mêmes de leur statut constitutionnel et politique, et que ce droit doit être exercé en conformité avec les lois, conventions et principes constitutionnels ou internationaux applicables au territoire du Québec. [...] Reconnaisse que les nations autochtones ont des préoccupations, revendications et besoins particuliers au sein du Québec et qu'il est important que les droits existants de ces nations - ancestraux, issus de traités ou autres, y compris leur droit à l'autonomie à l'intérieur du Québec - soient protégés et confirmés. Réaffirme que seule l'Assemblée nationale a le pouvoir et la capacité de fixer les conditions et modalités entourant la tenue d'un référendum conformément à la Loi sur la consultation populaire, y compris le libellé de la question. Déclare que lorsque les Québécois et Québécoises sont consultés par un référendum tenu en vertu de la Loi sur la consultation populaire, la règle démocratique alors applicable est celle de la majorité absolue des votes déclarés valides. Réaffirme que les Québécois et Québécoises ont le droit à ce que toute consultation populaire visant la sécession du Québec du Canada porte sur une question claire et que, lorsqu'une telle consultation a lieu, le gouvernement du Québec respecte le Renvoi relatif à la sécession du Québec du 20 août 1998, notamment quant à l'obligation constitutionnelle de négocier sur le fondement du principe démocratique, de la primauté du droit et du constitutionnalisme, du fédéralisme, ainsi que de la protection des droits des minorités.

Il n'est pas question du projet de loi C-20 dans cette déclaration. L'opposition officielle locale s'est officiellement prononcée contre le projet de loi C-20. Cette déclaration émane de l'unique parti fédéraliste au Québec sur lequel nous pouvons compter pour lutter contre le référendum. Nous ne saurions ignorer son avis, à moins de vouloir faire le jeu du Parti québecois, à savoir que, en appuyant le projet de loi C-20, à n'importe quelle étape, nous sanctionnons les divisions profondes qui règnent entre les rangs des fédéralistes de cette province, lesquelles divisions sont susceptibles d'avoir des conséquences fatales.

Il n'y a pas urgence en ce qui concerne le projet de loi C-20, à moins que le fait de sacrifier à la vanité et à l'orgueil du premier ministre ne soit considéré comme une urgence. Même les séparatistes purs et durs reconnaissent qu'il est hors de question que le Québec se sépare et que tout futur référendum portera sur une forme d'association politique et économique, et non pas sur une séparation définitive.

Pourquoi s'empresser d'adopter un projet de loi dont le libellé est à la fois vague, contradictoire, incomplet, sélectif dans son utilisation de l'avis de la Cour suprême et, pis, qui divise les fédéralistes au lieu de les rassembler? Nous ferions mieux de mettre de côté l'initiative pour examiner plutôt les objections et les préoccupations soulevées des deux côtés de la Chambre, aussi bien par les opposants du projet de loi que par ceux qui sont favorables à ses objectifs, bien qu'ils en demeurent mécontents.

En supposant qu'une seule des objections qui ont été faites soit valable, le projet de loi laisse sérieusement à désirer et mérite d'être modifié, sinon rejeté. Il vaut mieux se montrer prudents que d'adopter ce projet de loi à toute vapeur sans proposition d'amendement, selon la procédure accélérée proposée par le gouvernement, et de laisser l'avenir déterminer si les dispositions de ce projet de loi peuvent être appliquées sans se heurter à des problèmes constitutionnels inextricables. Le Sénat doit absolument éviter ceci. Pour cela, nous devons appuyer l'amendement proposé par le sénateur Stratton.

Des voix: Bravo!

Son Honneur le Président: Comme il est 15 h 15, conformément à la permission qui a été accordée, je vais maintenant passer à la mise aux voix.

L'honorable sénateur Boudreau, c.p., appuyé par l'honorable sénateur Hays, propose: Que le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec, soit lu une deuxième fois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Stratton, appuyée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, que la motion soit modifiée par suppression de tous les mots suivant le mot «Que» et substitution de ce qui suit:

«le projet de loi C-20, Loi donnant effet à l'exigence de clarté formulée par la Cour suprême du Canada dans son avis sur le Renvoi sur la sécession du Québec, ne soit pas maintenant lu une deuxième fois, mais que l'ordre soit révoqué, le projet de loi retiré et sa teneur renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles»

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux sénateurs s'étant levés:

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous allons procéder à un vote par assis et levés. Le timbre sonnera pendant 15 minutes. Le vote aura lieu à 15 h 30.

(1530)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte sur la motion d'amendement proposée par l'honorable sénateur Stratton.

(La motion d'amendement, mise aux voix, est rejetée.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Carney, Cochrane, Cogger, Comeau, DeWare, Di Nino, Doody, Forrestall, Grimard, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Roberge, Robertson, Rossiter, Simard, St. Ger main, Stratton-30

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Austin, Bacon, Boudreau, Bryden, Chalifoux, Chris tensen, Cook, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finnerty, Fitzpatrick, Fraser, Gill, Grafstein, Graham, Hays, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Mahovlich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Stollery, Taylor, Watt, Wiebe-39

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools, Corbin, Finestone, Gauthier, Kelly, Pitfield-6
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le vote porte maintenant sur la motion principale: Que le projet de loi C-20 soit lu pour une deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés.

Son Honneur le Président: Convoquez les sénateurs.

Honorables sénateurs, conformément à l'ordre adopté, nous procéderons au vote maintenant.

(La motion, mise aux voix, est adoptée, et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

POUR

LES HONORABLES SÉNATEURS

Austin, Bacon, Boudreau, Bryden, Chalifoux, Chris tensen, Cook, De Bané, Fairbairn, Ferretti Barth, Finestone, Finnerty, Fitzpa trick, Fraser, Gill, Graham, Hays, Hervieux-Payette, Joyal, Kenny, Kolber, Kroft, Mahovlich, Mercier, Milne, Pearson, Pépin, Perrault, Perry Poirier, Poulin, Poy, Robichaud, (L'Acadie-Acadia), Robichaud, (Saint-Louis-de-Kent), Rompkey, Ruck, Stollery, Watt, Wiebe-38

CONTRE

LES HONORABLES SÉNATEURS

Atkins, Beaudoin, Berntson, Bolduc, Carney, Cochrane, Cogger, Comeau, DeWare, Di Nino, Doody, Forrestall, Grimard, Johnson, Kelleher, Keon, Kinsella, LeBreton, Lynch-Staunton, Murray, Nolin, Oliver, Prud'homme, Rivest, Roberge, Robertson, Rossiter, Simard, St. Ger main, Stratton-30

ABSTENTIONS

LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools , Corbin , Gauthier , Grafstein , Kelly, Pitfield, Taylor-7

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20, le comité qui a été créé mardi pour mener une étude sur le projet de loi et faire rapport au Sénat à ce sujet.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Des voix: Avec dissidence.

(Sur la motion du sénateur Hays, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial spécial sur le projet de loi C-20, avec dissidence.)

(1540)

comité de sélection

Adoption du sixième rapport

Permission ayant été accordée de passer à l'article no 7 des Rapports de comités.

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du comité de sélection (désignation de certains sénateurs-Comité spécial sur le projet de loi C-20), présenté au Sénat le 17 mai 2000.-(L'honorable sénateur Mercier).

L'honorable Léonce Mercier: Honorables sénateurs, je propose l'adoption du rapport.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, je demande le consentement du Sénat afin de passer à l'article no 3 des projets de loi d'intérêt public du Sénat, qui a trait à la deuxième lecture du projet de loi S-21. Je crois comprendre que les leaders à la Chambre ont discuté de cette question.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais bien pouvoir accéder à la demande du sénateur Carney; toutefois, je ne peux malheureusement pas le faire, car je dois accorder la priorité aux projets de loi émanant du gouvernement.

J'appelle le prochain point au Feuilleton, soit l'article no 4 à la rubrique Affaires du gouvernement, deuxième lecture du projet de loi C-26.

La Loi sur les transports au Canada
La Loi sur la concurrence
La Loi sur le tribunal de la concurrence
La Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Raymond J. Perrault propose la deuxième lecture du projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les transports au Canada, la Loi sur la concurrence, la Loi sur le Tribunal de la concurrence et la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et modifiant une autre loi en conséquence.

- Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir vous adresser la parole concernant le fond du projet de loi C-26, soit la réponse législative du gouvernement à la restructuration des entreprises de transport aérien qui a débuté il y a quelque neuf mois.

Les honorables sénateurs savent que cet important projet de loi a été adopté par la Chambre des communes...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, peut-on avoir le silence s'il vous plaît afin d'être en mesure d'entendre l'honorable sénateur qui a la parole? Si vous devez absolument avoir des conversations, je vous exhorte à les tenir à l'extérieur de la Chambre afin que nous puissions avoir un débat qui se déroule de façon appropriée.

Le sénateur Perrault: Je vous remercie Votre Honneur.

Les honorables sénateurs savent que la Chambre des communes a adopté cet important projet de loi le lundi 15 mai et qu'il faut absolument que nous en effectuions l'étude avec célérité.

[Français]

Les sénateurs se souviendront que cet important projet de loi a été adopté à la Chambre des communes le lundi 15 mai 2000, et qu'il est impératif que nous le traitions avec sérieux.

[Traduction]

De nombreux intervenants ont leurs propres raisons de vouloir que le projet de loi entre en vigueur aussi rapidement que possible; le projet de loi comporte en effet des dispositions pour chacun d'eux. Les localités qui sont actuellement desservies veulent avoir l'assurance qu'Air Canada pourra être tenues de respecter les promesses qu'elle a faites au ministre des Transports de maintenir les services à tous les points qui étaient desservis par Air Canada, Canadien International et leurs filiales à cent pour cent au 21 décembre dernier.

Les localités qui risquent peut-être de perdre des services veulent que les transporteurs aériens leur donnent un avis de sortie. Elles veulent aussi que les transporteurs donnent aux représentants élus du gouvernement municipal ou local aux points de service la possibilité de rencontrer les représentants du transporteur et de discuter avec eux de l'impact de ses projets d'interruption ou de réduction de services. Le projet de loi prévoit un tel processus.

Les consommateurs veulent avoir l'assurance que les prix seront équitables. Cela sera assuré par une surveillance accrue des prix passagers sur les routes à monopole qui se doublera, pour la première fois en plus de 15 ans, d'une surveillance des tarifs marchandises. Cela se fera grâce au rétablissement du pouvoir pour l'Office des transports du Canada de réviser les conditions de transport liées au service intérieur de la même manière qu'il révise maintenant les conditions de transport liées au service international.

Les consommateurs sont impatients d'apprendre la nomination du Commissaire aux plaintes relatives au transport aérien, qui fera partie de l'Office des transports du Canada. Cette personne examinera les plaintes formulées par écrit par les consommateurs qui n'ont pas obtenu satisfaction après avoir déposé une plainte auprès d'une société aérienne. Le commissaire pourra exiger la production de documents pour examiner l'affaire et jouer le rôle de médiateur là où c'est possible. Il produira également des rapports semestriels dressant la liste des plaintes associées aux transporteurs en question et signalant les problèmes systémiques auxquels il faut remédier.

Les consommateurs seront heureux de pouvoir traiter avec Air Canada et ses filiales, y compris les Lignes aériennes Canadien International, dans la langue officielle de leur choix, là où il existe une demande importante. Il faudra bien sûr prendre certaines mesures à cet égard.

[Français]

Les consommateurs seront heureux de pouvoir traiter avec Air Canada et ses filiales, y compris les lignes aériennes Canadien International, dans la langue officielle de leur choix où il existe une demande importante. L'entrée en vigueur progressive de cette loi est prévue.

[Traduction]

Les employés veulent avoir l'assurance qu'Air Canada respectera son engagement à ne pas volontairement déplacer ou mettre à pied des employés au cours des deux prochaines années. Dans le cas des petits transporteurs, la liste des attentes est plus longue. Ce projet de loi comporte des mesures d'exécution qui devraient garantir qu'Air Canada respectera les engagements qu'elle a pris envers le Commissaire de la concurrence quant à l'accès aux installations et aux services dont ces petits transporteurs ont besoin pour rester en affaires. Le projet de loi rend ces engagements exécutoires et prévoit des peines en cas de non-respect.

Il renferme aussi des dispositions qui modifient la Loi sur la concurrence et prévoient la prise de règlements qui décriront les agissements anti-concurrentiels et la conduite d'une personne exploitant un service de transport aérien intérieur. Ce projet de loi assujettira ces comportements à l'examen par le Bureau de la concurrence et le Tribunal de la concurrence. Il assurera une certaine protection aux petits transporteurs au cas où ceux-ci essaieraient de faire concurrence aux transporteurs dominants.

Les petits transporteurs seront bien satisfaits des dispositions interdisant l'utilisation de clauses d'exclusivité dans les contrats confidentiels, car cela devrait leur laisser plus de latitude pour attirer des contrats d'entreprises pour les voyages d'affaires. Les agents de voyage voudront que ce projet de loi soit adopté, car il leur permet d'échapper aux dispositions sur le complot de la Loi sur la concurrence, de sorte qu'ils pourront négocier collectivement avec un transporteur dominant en ce qui concerne les commissions pour les vols intérieurs.

J'oserais même dire qu'Air Canada elle-même veut que ce projet de loi soit adopté car il confirmera le cadre qu'elle doit respecter non seulement sur le plan des services, mais aussi sur le plan de l'administration de la société.

Ce projet de loi fait passer de 10 à 15 p. 100 la limite quant aux actions qu'une seule personne peut détenir. En outre, il permet aux règles sur la limitation de la propriété étrangère des actions d'Air Canada de changer en même temps que les règles pour le reste de l'industrie aérienne lorsque le gouverneur en conseil exerce les pouvoirs prévus dans la Loi sur les transports au Canada lui permettant de modifier le pourcentage de possession d'actions par les étrangers. Il n'apporte aucun changement à l'obligation pour la société de demeurer sous contrôle canadien.

Canadien International aimera aussi ce projet de loi car il confirme les termes et conditions de l'acceptation, par le gouvernement, de l'accord d'acquisition conclu avec Air Canada. Pour le gouvernement, ce projet de loi renferme des dispositions prévoyant un nouveau processus d'examen des grandes fusions et acquisitions dans l'industrie du transport aérien. Il augmente aussi les exigences quant au contrôle de l'industrie.

(1550)

Cette liste paraît peut-être longue pour un projet de loi qui n'a que 20 articles environ, mais c'est parce que le projet de loi ne vise pas à réglementer à nouveau les vols nationaux. Il n'apporte que quelques changements pour tenir compte du nouveau contexte. Il ne met pas l'accent sur l'intervention gouvernementale dans les affaires des sociétés aériennes. Il vise à promouvoir la concurrence et à protéger les consommateurs.

Je crois que le projet de loi représente un équilibre entre ces deux objectifs et fera beaucoup pour l'atteinte du principal but du gouvernement, qui est de mettre en place une industrie aérienne sûre et saine adaptée aux besoins des voyageurs et des expéditeurs canadiens tout en permettant à nos transporteurs de pouvoir soutenir la concurrence sur les marchés internationaux.

Honorables sénateurs, nous avons au Canada deux excellents transporteurs. Air Canada et Lignes aériennes Canadien ont toutes deux d'excellentes réputations sur la scène mondiale pour l'excellence et la qualité de leur service. Cette année, Air Canada a été classée en première place en Amérique du Nord pour ses services à bord. Il y a seulement deux ans, Canadien avait remporté le même titre. Nous avons donc deux bonnes sociétés aériennes.

Je me souviens d'expériences récentes avec des transporteurs américains. D'autres sénateurs ont vécu le même cauchemar que moi. Les clients se ruaient vers les portes d'embarquement comme les colons se ruaient sur les terres de l'Oklahoma dans les années 1860. Nous n'avons jamais eu de problèmes avec les sociétés aériennes canadiennes.

Certaines personnes affirment que le service est en déclin ou qu'il est devenu complètement pourri. L'autre jour, j'ai pris un vol où on a demandé à cinq personnes de changer de vol parce que trop de billets avaient été vendus. C'est là un problème que vivent de temps à autre de nombreuses sociétés aériennes.

Plus tôt le comité étudiera le projet de loi, mieux ce sera. J'invite les sénateurs qui ne sont pas membres du comité à venir assister à ses séances. Ils pourront jouer un rôle utile pour les régions du Canada et toutes les provinces. Il serait bon qu'ils soient là lors des discussions. Je suis convaincu que les sénateurs des provinces maritimes voudront s'informer sur l'avenir des horaires dans leurs collectivités.

Ces jours-ci, on entend parler des longues files d'attente à Air Canada, mais cela est peut-être attribuable à de petits problèmes de croissance. Fusionner deux transporteurs de cette taille pose de grands défis. Plus tôt le comité commencera à étudier le projet de loi aussi soigneusement qu'il le mérite, plus tôt nous pourrons améliorer la situation des transporteurs aériens dans tout le Canada.

J'ai une dernière requête. J'espère que les sénateurs conviendront que ce projet de loi devrait être renvoyé le plus tôt possible au Comité sénatorial permanent des transports et des communications pour qu'il en fasse un examen détaillé.

(Sur la motion du sénateur Forrestall, le débat est ajourné.)

Les travaux du Sénat

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'aimerais maintenant que nous mettions en délibération l'article no 1 des «Affaires du gouvernement».

Projet de loi électorale du Canada

Troisième lecture-Motions d'amendement-Suite du débat

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hays, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-2, Loi concernant l'élection des députés à la Chambre des communes, modifiant certaines lois et abrogeant certaines autres lois;

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, appuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 375, à la page 154:

a) par substitution, aux lignes 26 à 27, de ce qui suit:

«375. (1) Les partis enregistrés nomment des agents enregistrés; la nomination»;

b) par substitution, aux lignes 30 à 31, de ce qui suit:

«de circonscription, le parti enregistré nomme un agent enregistré - appelé agent»;

c) par adjonction, après la ligne 34, de ce qui suit:

«(3) L'enregistrement d'un agent de circonscription n'est valide que, selon le cas:

a) jusqu'à la révocation de sa nomination par le parti politique;

b) jusqu'au moment où le parti politique qui l'a nommé est radié du registre des partis;

c) jusqu'au moment où sa circonscription disparaît du fait d'un décret de représentation électorale pris en application de l'article 25 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales.

(4) En dehors d'une période électorale, l'agent de circonscription d'un parti enregistré:

a) est responsable de toutes les opérations financières de l'association de circonscription du parti;

b) doit remettre annuellement, à l'agent principal du parti enregistré qui l'a nommé un rapport financier vérifiée, en conformité avec le paragraphe (5), de toutes les opérations financières de l'association de circonscription.

(5) Le rapport financier annuel mentionné au paragraphe (4) comporte les renseignements suivants:

a) un état des contributions apportées au parti enregistré par les particuliers, les entreprises, les organisations commerciales, les gouvernements, les syndicats, les personnes morales sans capital-actions, autres que les syndicats, et les organismes ou associations, autres que les syndicats, non constitués en personne morale;

b) le nombre des donateurs de chacune des catégories visées à l'alinéa a)

c) sous réserve de l'alinéa c.1), les nom et adresse de chaque donateur visé à l'alinéa a) qui a apporté une ou plusieurs contributions d'une valeur totale supérieure à 200 $ au parti directement ou par l'intermédiaire d'une de ses associations de circonscription ou d'une fiducie constituée pour l'élection d'un candidat soutenu par le parti, et la somme de ces contributions;

c.1) dans le cas où le donateur visé à l'alinéa c) est une société à dénomination numérique, le nom du premier dirigeant ou du président de la société;

d) en l'absence des renseignements sur l'identité d'un donateur qui a apporté sa contribution par l'intermédiaire d'une association de circonscription, les nom et adresse des donateurs de la totalité de telles contributions apportées à l'association de circonscription au cours de l'exercice et, si le donateur est une société à dénomination numérique, le nom du premier dirigeant ou du président de celle-ci, comme si elles avaient été apportées au parti;

e) un état des contributions reçues d'une fiducie;

f) un état de l'actif et du passif et de l'excédent ou du déficit de l'association de circonscription selon les principes comptables généralement reconnus, notamment :

(i) un état des créances contestées visées à l'article 421,

(ii) un état des créances impayées faisant, ou susceptibles de faire, l'objet de la demande prévue au paragraphe 419(1) ou à l'article 420;

g) un état des recettes et des dépenses de l'association de circonscription selon les principes comptables généralement reconnus;

h) un état des prêts et des sûretés à l'association de circonscription, ainsi que des conditions afférentes;

i) un état des contributions reçues et remboursées en tout ou en partie à leur donateur ou dont l'association de circonscription a disposé en conformité avec la présente loi.

(6) Pour l'application du paragraphe (5), à l'exception de l'alinéa (5)i), une contribution comprend un prêt.

(7) L'association de circonscription produit les documents visés au paragraphe (5) auprès de l'agent principal d'un parti enregistré dans les six mois suivant la fin de l'exercice.»;

d) par le changement de la désignation numérique du paragraphe (3) à celle de paragraphe (8) et par le changement

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, apppuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 405, à la page 166, par substitution, aux lignes 38 à 40, de ce qui suit:

«principal, à un agent enregistré ou à un agent de circonscription d'un parti enregistré, d'accepter les contributions apportées au parti.

(4) Il est interdit à quiconque, sauf à l'agent principal d'un parti enregistré, de délivrer aux donateurs de contributions monétaires destinées au parti enregistré des reçus officiels pour l'application du paragraphe 127(3) de la Loi de l'impôt sur le revenu.».

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, apppuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 424, à la page 174, par substitution, aux lignes 14 à 15, de ce qui suit:

«a) les rapports financiers portant sur les opérations financières de celui-ci et de ses associations de circonscriptions dressés».

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, apppuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième mais qu'il soit modifié, à l'article 426:

a) à la page 176, par substitution, aux lignes 27 et 28, de ce qui suit:

«tion à la fois du rapport financier du parti, de celui de toute fiducie de celui-ci visée à l'article 428 et des rapports financiers sur les opérations financières des associations de circonscriptions mentionnés à l'alinéa 375(4)b). Il»;

b) à la page 177:

(i) par substitution, à la ligne 9, de ce qui suit:

«b) il n'a pas reçu des agents de circonscription, des agents enregistrés et»,

(ii) par substitution, aux lignes 17 et 18, de ce qui suit:

«parti et a le droit d'exiger des agents de circonscription, des agents enregistrés et des dirigeants du parti les renseigne-».

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, apppuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 473, à la page 202, par substitution, aux lignes 31 et 32, de ce qui suit:

«parti enregistré, au parti ou à un agent enregistré de ce parti dans sa».

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, apppuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 477, à la page 203, par substitution, aux lignes 32 et 33, de ce qui suit:

«477. Les candidats, leurs agents officiels et l'agent principal d'un parti enregistré, selon le cas, doivent utiliser le formulaire prescrit pour».

Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Nolin, apppuyée par l'honorable sénateur Prud'homme, c.p., que le projet de loi C-2 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié, à l'article 560, à la page 246:

a) par substitution, à la ligne 19, de ce qui suit:

«présentation au ministre d'un reçu signé de l'agent principal, d'un»;

b) par substitution, à la ligne 25, de ce qui suit:

«a) par l'agent principal ou un agent enregistré d'un parti enre-».

L'honorable Consiglio Di Nino: Honorables sénateurs, j'appuie les amendements que le sénateur Nolin propose au projet de loi C-2. Vous vous rappellerez que j'ai soulevé la question au cours de mon intervention à l'étape de la deuxième lecture.

Dans bien des cas, les Canadiens sont cyniques, et avec raison. Ils sont cyniques à l'égard du financement des partis politiques dans notre pays. Il y a trop de possibilités d'abus, trop d'échappatoires, et on donne trop de prétextes pour ne pas éliminer ces échappatoires. Depuis longtemps, nous avons choisi de feindre d'ignorer le problème des fonds versés aux associations de circonscription. Je suis très heureux que notre collègue, le sénateur Nolin, ait décidé de parler franchement de la nécessité d'apporter une réforme dans ce domaine et de proposer certains amendements pour s'attaquer au problème.

Honorables sénateurs, l'ouverture et la transparence revêtent une importance fondamentale pour la santé de notre processus politique. Nous devons lever le voile, comme le sénateur Nolin tente de le faire avec ces amendements, sur certaines questions qui sont demeurées dans l'ombre jusqu'ici.

Honorables sénateurs, le secret bouleverse la démocratie. Nous nous berçons d'illusions si nous pensons que les Canadiens ne se préoccupent pas ou ne sont pas au courant de l'usage parfois abusif des fonds en politique, que ce soit dans les courses à la direction d'un parti, dans les dossiers des associations de circonscription ou dans les candidatures à des partis. En fait, c'est tout le contraire: non seulement les Canadiens sont au courant, mais ils veulent savoir qui sont les donateurs, quels montants ils donnent et à quoi ces montants doivent servir. J'estime qu'ils ont le droit de le savoir.

Quiconque a des doutes à ce sujet n'a qu'à regarder la course à la direction de l'Alliance canadienne. Des gens de partout se demandent qui finance les différents candidats, notamment M. Long. Malheureusement, contrairement à ses deux rivaux, M. Long refuse d'être franc avec les Canadiens. Il refuse de rendre publics le montant et la provenance de ses fonds. Il espère sans doute que, s'il se tait, le problème disparaîtra.

Honorables sénateurs, ce raisonnement a bien servi le premier ministre depuis son accession au pouvoir, mais je ne suis pas sûr que M. Long entretienne des relations aussi chaleureuses et indulgentes que M. Chrétien avec les médias, à l'exception d'un journal. Nous verrons bien.

Dans le même ordre d'idées, il faut dire que les autres candidats qui font la lutte à M. Long n'ont pas été beaucoup plus francs. M. Manning et M. Day nous disent qu'ils vont dévoiler uniquement le nom de leurs donateurs. Ils refusent de divulguer le montant que verse chacun d'eux. Décidément, en ce qui a trait à une véritable transparence, leur promesse est vide.

Honorables sénateurs, ce que veulent les Canadiens est simple. C'est ce que le sénateur Nolin essaie de leur donner. Des gens nous ont dit maintes fois que, tout ce qu'ils veulent, c'est simplement qu'on soit honnête: qui donne l'argent à qui? Combien donne-t-on? Des conditions sont-elles liées à cela?

Si des conditions sont imposées, comme je crois que c'est parfois le cas, alors la réponse est très simple: les politiciens, ou ceux qui aspirent à le devenir, devraient dire non. Ils devraient faire ce qui s'impose, comme l'a fait récemment Mr. Klees, lorsqu'il s'est retiré de la course à la direction de l'Alliance canadienne. Ils devraient dire: «Non, je ne vais pas accepter votre argent ou votre aide si des obligations secrètes s'y rattachent.» C'est la seule chose honnête qu'il convient de faire.

Certains voudraient faire croire aux Canadiens que tous les politiciens cachent systématiquement - ou occasionnellement - leurs sources de fonds. Ils voudraient nous faire croire que les politiciens collaborent activement afin de garder secrètes leurs sources de financement.

Je pense que c'est exactement le contraire. Dans bien des cas, ce sont les donateurs eux-mêmes qui font pression pour que leurs noms demeurent secrets. Ce sont les donateurs qui ne veulent pas être associés publiquement à un candidat ou à un parti, qui ne veulent pas que les gens sachent combien d'argent ils ont donné. Encore une fois, si de l'argent est offert en étant assorti de conditions, les politiciens devraient refuser de l'accepter. C'est aussi simple que cela.

Honorables sénateurs, ces amendements constituent un pas important vers une réforme du financement politique. Sans vouloir insister trop lourdement, ils donnent du poids aux arguments que j'ai fait valoir en deuxième lecture, ainsi qu'à ceux du sénateur Nolin et d'autres au cours du débat, en faveur d'une plus grande transparence et d'une plus grande responsabilité au niveau du financement politique. Personne ne peut être contre une telle initiative, surtout une initiative qui se fait attendre depuis aussi longtemps.

(1600)

Les associations de circonstription ont été appelées les trous noirs du financement politique, non sans raison. Ces associations recueillent des sommes d'argent importantes et, pourtant, il arrive souvent qu'elles ne rendent pas compte d'une grande partie de cet argent, comme l'ont dit les témoins qui ont comparu devant le comité. Dans un article paru récemment dans la revue Maclean's, on allait jusqu'à décrire les associations de circonscription comme des entités qui fonctionnaient très en marge de la loi. En d'autres mots, elles ont leurs propres lois. Si elles peuvent agir ainsi, c'est parce que nous leur avons permis de le faire à cause de notre inaction.

J'ai lu cette semaine, dans le Hill Times d'ailleurs, que, malgré les arguments invoqués par le sénateur Hays l'autre jour, certains membres de son parti appuient ce que le sénateur Nolin tente de faire au moyen de ces amendements. L'article cite au moins une libérale, Judy Sgro, représentante de York-Ouest, selon qui tout effort pour faire régner la justice et l'honnêteté dans le régime de financement politique est un progrès. Le Hill Times cite aussi un libéral qui est président d'une circonscription. Il voit d'un bon oeil les efforts que fait le sénateur Nolin pour amender le projet de loi.

Honorables sénateurs, il est évident que le secret qui entoure les comptes et les dossiers des associations de circonscription est un problème. C'est un problème parce que personne ne rend de comptes, parce que notre inaction a laissé s'implanter le cynisme et l'impression qu'il y a des abus. Le problème touche non seulement les associations de circonscription, mais aussi les campagnes à la direction des partis et le financement des partis politiques en général.

En appuyant les amendements du sénateur Nolin, nous lancerons un message percutant aux Canadiens. Nous leur dirons que nous sommes conscients des difficultés et que nous allons tenter de les régler. Nous nous attaquons au problème publiquement et honnêtement. Nous essayons de prendre des mesures concrètes pour limiter les abus à l'avenir. En adoptant les amendements du sénateur Nolin, nous dirons aux Canadiens que nous entendons faire preuve de franchise, de transparence et d'intégrité dans le financement des partis politiques. Cet engagement sera bon pour tous, et il sera bon pour notre démocratie. Il n'y aura que des gagnants.

J'exhorte tous les honorables sénateurs à réfléchir sérieusement à la question et à appuyer les amendements du sénateur Nolin.

(Sur la motion du sénateur DeWare, le débat est ajourné.)

Le commissaire à la protection de la vie privée

Adoption de la motion portant réception en comité plénier

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), conformément à l'avis du 16 mai 2000, propose:

Que le Sénat se forme en comité plénier le mardi 30 mai 2000 à 16 h 30, afin de recevoir le Commissaire à la protection de la vie privée, M. Bruce Phillips, dans le but de discuter du travail de cet organisme.

(La motion est adoptée.)

Projet de loi sur la protection des phares patrimoniaux

Deuxième lecture-Suite du débat

Permission ayant été accordée de passer à l'étude des projets de loi d'intérêt public du Sénat, inscrite à l'article numéro 3 de l'ordre du jour:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Forrestall, appuyée par l'honorable sénateur DeWare, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-21, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux.-(L'honorable sénateur Callbeck).

L'honorable Pat Carney: Honorables sénateurs, j'apprécie l'amabilité avec laquelle la permission est accordée de passer à cette question. Je suis aux prises avec le problème soulevé au cours du débat sur le projet de loi concernant la fusion des lignes aériennes. Au Sénat, nous sommes tous captifs des horaires des compagnies aériennes.

Je vais donc traiter de ce projet de loi visant à protéger les phares patrimoniaux. C'est une mesure parrainée par mon collègue de la côte est, le sénateur Mike Forrestall. J'ai eu le privilège de travailler sur les aspects du projet de loi qui touchent la côte ouest.

Le projet de loi a pour objet de faciliter la désignation et la conservation des phares, constructions et matériel inclus, en tant qu'éléments de la culture et de l'histoire canadiennes, peu importe s'ils sont utilisés ou non comme aides à la navigation. Nous voulons les protéger et empêcher leur modification ou leur aliénation sans consultation publique.

Les gens tiennent beaucoup aux phares et cela, sur les deux côtes. Les phares gardés témoignent vraiment de la sécurité de nos côtes. Plus important encore, l'histoire des phares fait partie du patrimoine de nos côtes et de notre pays. Le projet de loi vise à prévoir un mécanisme permettant à la population de se prononcer sur toute demande de modification, de démolition ou d'aliénation d'un phare de la part de Patrimoine Canada.

Sur recommandation de la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, appelée «la commission», le ministre du Patrimoine canadien pourra désigner tout phare comme phare patrimonial en fonction des critères de la commission.

Le projet de loi S-21 ne prévoit pas la tenue automatique de consultations publiques; toutefois, il établit un mécanisme que les intéressés peuvent invoquer pour contester toute demande de modification de ces phares par Patrimoine Canada. La commission donnera à tous les intéressés la possibilité raisonnable de s'exprimer devant elle. Si la commission trouve l'objection crédible, elle peut conseiller dans son rapport au ministre de recommander au gouverneur en conseil de rejeter la demande d'altération du phare en question.

Ce projet de loi entrera en vigueur à la date ou aux dates fixées par décret du gouverneur en conseil. La loi précédente, soit la Loi de 1988 sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales, n'est entrée en vigueur qu'en 1991. Nous voudrions éviter un tel retard, car de nombreux phares sont dans un piètre état et tout retard irait à l'encontre de l'objectif du projet de loi.

Les coûts prévus sont fondés sur ceux qu'a connus Parcs Canada dans l'administration de la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales, qui a servi de modèle au projet de loi S-21. Selon la Commission des lieux et monuments historiques du Canada, les coûts associés à l'application de cette loi sont les frais d'administration de base de la commission.

Parcs Canada a reçu 1 million de dollars par année pendant cinq ans pour se préparer à assumer ses nouvelles responsabilités conformément à la Loi sur la protection des gares ferroviaires patrimoniales. Toutefois, compte tenu d'un inventaire provisoire des phares et des immeubles associés, Parcs Canada pourrait avoir besoin de 1 à 2 millions de dollars par année si cette formule était appliquée.

Des groupes communautaires tels que la West Vancouver Historical Society et des groupes de la côte ouest de même que des municipalités sont impatients et désireux de préserver et de restaurer nos phares. Ce projet de loi permettra la création de partenariats financiers.

Il n'existe actuellement aucun processus par lequel le public peut donner son avis sur ce qu'il advient de ces sites historiques canadiens. La Garde côtière canadienne n'a pas le mandat de protéger l'héritage culturel et patrimonial que constitue nos phares, et n'a pas non plus les moyens de les entretenir.

Le temps commence à manquer, nombre de ces phares nécessitant de toute urgence des réparations. Les dispositions actuelles régissant la protection des phares sont insuffisantes. Seulement 3 p. 100 d'entre eux jouissent d'une véritable protection patrimoniale, et seulement 12 p. 100 d'entre eux, d'une protection partielle. En Colombie-Britannique, c'est encore moins. Selon les données de la Nova Scotia Lighthouse Preservation Society, compte tenu du libellé de la loi actuelle, plus de phares sont rejetés plutôt que protégés. Le bureau d'examen du patrimoine fédéral a refusé d'accorder à 157 phares le statut de site patrimonial.

Certains phares canadiens sont en train d'être automatisés et la plus grande partie du matériel de navigation historique y a été enlevée. On craint que le ministère des Pêches et des Océans ne dresse pas l'inventaire du matériel enlevé. D'autres phares ont été détruits sans le moindre avis.

Ce projet de loi s'appliquerait à tous les 120 phares qui sont actuellement désignés comme phares patrimoniaux au Canada. Les phares qui seront désignés ultérieurement comme phares patrimoniaux seront également visés par la loi. En Colombie-Britannique, 9 des 52 phares sont actuellement désignés pleinement ou partiellement comme des immeubles patrimoniaux protégés.

Les phares revêtent une importance vitale pour les Britanno-Colombiens, compte tenu du littoral au relief traître et des conditions météorologiques dangereuses de la Colombie-Britannique. Leur histoire se confond avec celle de la côte faiblement peuplée et sauvage.

Je voudrais vous donner un bref historique de ces neufs phares de la côte ouest qui sont actuellement désignés comme immeubles fédéraux patrimoniaux, dans le but de faire connaître leurs histoires étonnantes qui ont été consignées par le Maritime Museum of British Columbia et l'auteur et historien des phares Donald Graham.

À Carmanah Point, sur la côte ouest de l'île de Vancouver, que l'on appelle «le cimetière du Pacifique», des centaines de marins se sont noyés dans des naufrages après avoir raté l'entrée du détroit Juan de Fuca. À l'origine, ce phare devait être le pendant du phare américain du cap Flattery et il devait être situé sur la pointe Bonilla, du côté canadien. Malheureusement, les membres d'équipage ont déchargé le matériel dans un brouillard épais et, lorsque le brouillard s'est dissipé, ils se sont rendu compte qu'ils étaient à la pointe Carmanah, à une certaine distance de l'endroit souhaité. Au lieu de redescendre le matériel en bas des falaises, ils ont construit le phare sur la pointe Carmanah.

(1610)

Établi en 1891, le phare de Carmanah est devenu le premier centre de contrôle de la circulation. À cet endroit, on a installé un sifflet à vapeur qui assurait la communication dans l'obscurité et le brouillard, en utilisant des codes télégraphiques. Dans l'exercice de ses fonctions, le gardien du phare devait notamment surveiller les bateaux le long de la côte ouest et communiquer leurs déplacements à Victoria. Actuellement, le phare offre des services aux gens qui empruntent le sentier de la côte ouest, dont des installations de soutien et une infirmerie pour les personnes qui se blessent.

Un autre phare, celui de Fisgard, a été construit en 1860. C'est le premier phare gardé bâti sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Il devait signaler la proximité du port de Victoria. C'est une merveille architecturale. Sa construction est unique, car il est doté d'une base de granite solide de quatre pieds d'épaisseur; les briques ont été importées d'Angleterre, et son escalier de fer en spirale a été importé de San Francisco. Celui qui a conçu ce phare, H.O. Tiedeman, était un architecte réputé de l'époque. Il a aussi construit la première Assemblée législative de Victoria. De nos jours, le phare fait partie du parc historique national Fort Rodd Hill.

Près de là, le phare de Race Rocks a été construit en 1842 pour signaler les marées terrifiantes de 8 à 10 noeuds qui prenaient au piège les bateaux. Seules les marées de Ripple Rock, dans la passe Seymour, sont plus redoutables qu'elles, cet endroit ayant été, dans les années 50, la cible d'une explosion dont l'intensité vient au deuxième rang derrière celle provoquée par le largage d'une bombe atomique sur Hiroshima. À ce jour, les gardiens du phare sauvent encore des gens qui sont emportés vers le large par les forts courants de marée.

C'est à la pointe Estevan que les autochtones de l'île de Vancouver ont vu pour la première fois un bateau européen en 1774 et qu'ils ont eu leur premier contact avec des Européens. Le capitaine Juan Perez s'était rendu dans ces eaux à bord du Santiago, dans l'intention d'explorer des latitudes situées plus au nord et de réclamer la propriété de terres au nom de l'Espagne. La pointe a été nommée en l'honneur du sous-lieutenant de Perez, Estevan José Martinez.

Lorsqu'il a été construit, en 1909, le phare d'Estevan Point était le plus beau et le plus audacieux de toute la Colombie-Britannique - une colonne octogonale s'élevant à 150 pieds au-dessus du sol. Il est situé dans un secteur connu sous le nom de territoire de Hesquiat, qui relève du conseil tribal Nuu'chah'nulth.

Je vois mon collègue, le sénateur Mahovlich, qui fait signe que oui parce que nous avons rencontré ces gens lors de notre récent voyage sur la côte ouest.

On dit aussi que le phare d'Estevan Point est le seul à avoir été attaqué par l'ennemi. Les honorables sénateurs se souviendront peut-être qu'on a eu une terrible frousse sur la côte ouest durant la Seconde Guerre mondiale. En 1942, un sous-marin japonais, qui se trouvait à deux milles au large de la côte, a bombardé le phare. Il a été révélé plus tard que ce n'est peut-être là qu'un canular dont le but était de persuader le gouvernement du Canada de resserrer la sécurité et d'intensifier ses mesures pour interner les Canadiens d'origine japonaise.

Le phare de Langara - et je dis cela spécialement pour mon collègue, le sénateur Forrestall - est situé sur l'île Graham, la plus au nord des grandes îles des îles de la Reine-Charlotte. Un phare a été construit à cet endroit parce que, comme c'était l'époque où on planifiait d'amener la ligne de chemin de fer du Grand Tronc du Pacifique jusqu'à Prince Rupert, on voulait s'assurer que les bateaux arriveraient à Prince Rupert en toute sécurité.

Construit en 1913, le phare de Langara pouvait dès le départ être décrit par des superlatifs: le plus loin, situé sur la plus grande île, un important poste d'observation des conditions atmosphériques et des tsunamis. C'est un des phares les plus isolés et, aussi récemment qu'en 1980, Transports Canada, qui était alors responsable des phares, mettaient encore en garde les gardiens de phare qui voulaient aller là-bas, soutenant que le phare de Langara convenait plutôt à quelqu'un qui avait déjà passé un certain temps dans un endroit isolé.

Le phare de Pachena Point a été construit en 1908, après le naufrage du Valencia, et il était le marqueur de la côte Ouest. Le Valencia, un bateau de San Francisco transportant 160 passagers, surpassait tous les autres naufrages sur le plan de l'horreur jusqu'au naufrage du Titanic. Lors de son dernier voyage entre San Francisco et Victoria, il a heurté des rochers à dix milles à l'ouest et au nord du phare de Carmanah. Le capitaine, O.M. Johnson, trompé par le brouillard qui a enveloppé le navire à vapeur peu après qu'il eut quitté le port et oubliant de tenir compte du Kuroshio, croyait qu'il était près du détroit Juan de Fuca. Le navire a heurté les rochers battus par d'énormes vagues.

Frank Lehm, qui était commis des marchandises à bord du Valencia et qui a survécu au naufrage, disait qu'il se souviendrait toute sa vie des cris des hommes, des femmes et des enfants se mêlant de façon effrayante au hurlement du vent, aux trombes de pluie et aux rugissements des brisants. Les passagers qui se précipitaient sur le pont étaient emportés par d'énormes vagues qui semblaient aussi hautes que la tête du mât. Le bateau s'est brisé presque immédiatement et les femmes et les enfants se sont accrochés au gréement du navire pour échapper à la mer. Ces femmes frêles, vêtues seulement de leur robe de nuit, pieds nus sur les enfléchures gelées et prenant leurs enfants contre elles pour les protéger du vent et de la pluie glaciale, offraient un spectacle pitoyable. La plupart ont péri.

Triple Island, aussi appelé «Le Rocher» ou «Petit Alcatraz», correspond tout à fait à l'image austère de l'imagination populaire: une tour enracinée sur un rocher, un brise-lames construit pour affronter la force implacable de la mer. Le groupe de rochers situé juste à la sortie du passage de Brown, à 28 milles à l'ouest de Prince Rupert, était lui aussi relié au chemin de fer du Grand Tronc du Pacifique, qui constituait une puissante source d'aide pour les navigateurs du Nord.

Le phare de Brockton Point est situé, bien entendu, à l'entrée du port de Vancouver. Construit en 1890, ce phare signalait le virage abrupt vers Coal Harbour aux navires qui arrivaient et indiquait aux navires en partance la direction vers First Narrows.

En juillet 1906 se produisit l'inévitable collision dans les Narrows. Puis ce fut le Princess Victoria, qui heurta le Chebalis, un petit bâtiment de la Union Steamship. N'importe quel marin sera sensible aux propos du capitaine Howse, du Chebalis, qui confessait, avant de s'effondrer en peine: «Je pensais que tout allait bien et je ne me suis pas donné la peine de regarder derrière.» Erreur fatale. «Je venais tout juste de virer légèrement à tribord. J'ai subitement entendu un sifflet et lorsque j'ai regardé vers l'arrière, j'ai vu le Victoria qui fonçait sur moi.»

Seulement 8 des 15 passagers et membres d'équipage du Chebalis ont survécu à la tragédie. Après cet accident, le phare de Brockton Point a été amélioré. Ce phare revêt une importance particulière pour ma famille, parce que mon gendre est un descendant de Portuguese Joe, qui s'est établi en squatter à Brockton Point et a épousé la fille du chef squawmish. Notre famille soutient que Brockton Point lui appartient. J'ai bien l'intention de renoncer à la politique avant de donner suite à cette revendication territoriale.

Le phare de Point Atkinson est probablement le plus célèbre des phares de la côte ouest du Canada. Il est situé sur la rive ouest et est entré en activité en 1874. Sa tour est associée à Vancouver aussi bien pour les marins étrangers que pour les citadins. Les gens de Vancouver-Ouest ont un attachement presque mystique pour «leur» phare et pour le parc de 185 acres qui contient le dernier peuplement forestier vierge qu'on puisse trouver dans cette partie de la province.

Les honorables sénateurs trouveront peut-être intéressant de savoir que les gardiens de phare sont très mal rémunérés. Dans le cas d'un poste auquel un député pourvoyait par favoritisme, un député pouvait nommer le gardien de phare, payé habituellement environ 40 $ par mois, un salaire sur lequel le gardien payait les provisions générales et le charbon. Après 26 années de service, durant lesquelles il n'avait jamais pris une journée de 24 heures de congé, le gardien de phare Walter Erwin a pris sa retraite en 1909. Pour tous ses efforts, sa pension se chiffrait à un maigre 33 $ par mois.

Tous les phares que nous aimerions voir désignés phares patrimoniaux ne sont pas considérés comme tels. Dans mon île de Saturna, notre phare n'a pas la désignation patrimoniale. Le phare a été établi en janvier 1888.

Le phare de East Point, comme tant d'autres, a été érigé par suite de naufrages. East Point a été la destination finale de la barque lourdement chargée, John Rosenfeld, qui transportait une surcharge de charbon à destination de San Francisco. Au moment de dépasser Saturna Island, le capitaine du remorqueur Tacoma, a été induit en erreur par les conditions atmosphériques et le Rosenfeld s'est échoué près de Boiling Reef. Boiling Reef, récif bouillant en français, porte bien son nom, car il est en ébullition à l'endroit exact où le détroit Juan de Fuca devient le détroit Georgia, à un mille de la frontière qui sépare le Canada des États-Unis. À cet endroit, East Point, un phare a été érigé pour améliorer la sécurité le long de cette grande voie de navigation entre le Canada et les États-Unis. Automatisé, il est maintenant occupé par des bénévoles qui surveillent au cas où il y aurait des marins en péril. Une partie du bâtiment est utilisée par des pompiers volontaires et c'est là que se trouve notre pompe à incendie. Une autre partie du site est devenue parc régional à l'usage des gens de la région. Les habitants de Saturna Island l'adorent. Les gens ont un attachement pour le phare, et c'est pourquoi nous pensons qu'ils seront heureux de pouvoir contribuer à son entretien.

Honorables sénateurs, je vous exhorte à appuyer ce projet de loi.

(Sur la motion du sénateur Carney, au nom du sénateur Callbeck, le débat est ajourné.)

(1620)

La Loi sur la statistique
La Loi sur les Archives nationales du Canada

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Milne, appuyé par l'honorable sénateur Chalifoux, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-15, Loi modifiant la Loi sur la statistique et la Loi sur les Archives nationales du Canada (documents de recensement).-(L'honorable sénateur Johnson).

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je suis quelque peu embêté par la motion du sénateur Milne. Je ne suis pas en faveur du fait que l'on rende publiques les données de recensement, et cela, pour plusieurs raisons. C'est un sujet très actuel, car le commissaire à la protection de la vie privée vient tout juste de nous dire que le gouvernement du Canada possède environ 1 000 éléments d'information sur chacun de nous. La question de savoir si, oui ou non, les renseignements nous concernant que le gouvernement a accumulés doivent être gardés secrets, est actuellement débattue sur la place publique; or, la première source de renseignement du gouvernement, ce sont les documents de recensement.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles je ne suis pas heureux à la pensée que mes petits-enfants puissent découvrir comment j'ai vécu. Il est tout à fait intriguant de savoir ce que notre grand-père et notre arrière-grand-père ont fait, mais si les gens savent que les renseignements qu'ils inscrivent dans les formules de recensement deviendront publics à un moment donné à l'avenir, ils hésiteront alors à fournir certains renseignements. Il ne s'agira plus de données qu'on pensait enterrées à jamais. Cela devient presque comme une entrevue radiodiffusée ou télévisée, en ce sens que l'information sera rendue publique.

Je m'inquiète également du caractère sacré du contrat. Les gens qui, de 1900 à nos jours, ont participé au recensement avaient toutes les raisons de croire que le gouvernement s'était engagé envers eux à conserver ces renseignements privés à jamais. Nous envisageons maintenant de violer ce contrat. Une fois que nous l'aurons fait, qu'est-ce qui nous empêche de réduire la période pendant laquelle on ne pourra avoir accès à ces renseignements?

Je déteste voir le gouvernement ouvrir des dossiers et rendre publics des renseignements après la mort de gens avec lesquels le gouvernement avait conclu un contrat. Lorsque des recensements seront effectués à l'avenir, les gens devraient peut-être être avisés qu'à un moment donné, les renseignements qu'ils fournissent seront divulgués. Je ne suis pas d'accord, cependant, pour qu'on revienne sur un contrat conclu avec le gouvernement du Canada il y a 50 ou 80 ans. Cela constitue un abus de confiance.

Mon prochain point c'est que, lorsque les gens savent que les renseignements qu'ils fournissent seront rendus publics à l'avenir, ils pourraient avoir tendance à embellir les choses. Ils pourraient présenter leur vie de façon à donner une belle image d'eux à leurs petits-enfants.

Enfin, même si les historiens affirment que les données de recensement sont utiles pour des raisons valables comme la possibilité de prédire les anomalies congénitales et d'autres traits héréditaires, elles peuvent également être utilisées pour découvrir des choses que la personne qui a fourni les renseignements ne voulait pas dévoiler. Un recensement, c'est comme une confession, on ne s'attend pas à lire son contenu dans les journaux.

Honorables sénateurs, ce sont les raisons pour lesquelles je m'oppose à cette motion.

L'honorable Lorna Milne: Le sénateur Taylor accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Taylor: Oui.

Le sénateur Milne: Le sénateur Taylor sait-il qu'il y a 92 ans, on demandait seulement le nom, l'adresse, les liens avec le chef de famille et l'âge? Les questions figurant dans le recensement jusqu'à 1951 n'avaient rien de bien grave.

Une des objections à ce projet de loi qu'on répète constamment, c'est qu'on a promis aux gens que les résultats du recensement seraient gardés secrets à jamais. De plus grands esprits que moi ont effectué d'énormes recherches dans les dossiers et nulle part dans les dossiers de la Chambre des communes ou du Sénat ou dans les journaux de l'époque il n'est fait mention d'une protection perpétuelle du caractère privé des renseignements personnels fournis dans le recensement. Il n'a jamais été question de cela.

(1630)

L'honorable sénateur Taylor sait-il qu'il n'y a jamais eu de plaintes auprès du commissaire à la vie privée, de Statistique Canada ou des Archives nationales du Canada concernant la communication de résultats de recensements historiques? Cela vaut non seulement pour le Canada, mais aussi pour les États-Unis et la Grande-Bretagne. Il n'y a jamais eu une seule plainte concernant la communication de données de recensements historiques. Je parle de quelque chose qui s'applique à environ 620 millions de gens dans ces trois pays.

Le sénateur Taylor: Honorables sénateurs, je remercie l'honorable sénateur de ses questions.

L'honorable sénateur souligne que les questions de recensement posées au début du siècle étaient limitées. Je ne voulais pas laisser entendre que ces questions limitées sont les seules qui aient jamais été posées. Il se trouve que les petites personnes au nez pointu qui rédigent les questions posées aux gens au moment du recensement allongent de plus en plus le formulaire. Ainsi, j'étais là l'autre jour lorsqu'une personne a ouvert sa boîte aux lettres. Après avoir lancé un juron, elle a dit: «J'ai hérité du formulaire détaillé.» En d'autres mots, on nous demande de fournir de plus en plus de renseignements aux préposés au recensement.

Les renseignements dont je parle sont ceux des années 20, 50 et 90. En d'autres mots, la ligne de démarcation devient mobile, c'est-à-dire que si l'on cède une fois, cela va se poursuivre. De nos jours, on demande des renseignements plus complets.

Comment sera prise la décision concernant les renseignements à rendre publics? La demande sera-t-elle: «Nous voulons les renseignements portant sur la période qui va jusqu'en 1920, mais non après.» En d'autres mots, tout le caractère sacré du contrat sera détruit.

L'honorable sénateur a dit que personne n'a jamais mentionné une atteinte à la vie privée. Une des raisons de cette situation tient peut-être au fait que la majorité des gens sont morts. Les morts ne se plaignent pas.

Je ne sais pas quelle importance il faut attacher à l'absence de plaintes concernant les atteintes à la vie privée. En droit, le seul fait de ne pas se plaindre d'une chose ne signifie pas que vous l'aimez. L'honorable sénateur préconise une forme de recensement par défaut. En d'autres mots, si vous ne vous plaignez pas, c'est que vous êtes d'accord. Je remets cela en cause.

L'honorable sénateur dit: «Je veux ces renseignements. Les gens de ma génération les veulent, donc nous devrions les obtenir.» J'espère que mes petits-enfants ne commenceront pas à faire des leurs et à exiger tous les renseignements de ma génération. Il existe un contrat implicite selon lequel l'information ne sera pas divulguée.

Le sénateur Milne: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Taylor.

Le sénateur Taylor sait-il qu'en 1983, le nouveau règlement d'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels autorisait l'accès aux dossiers personnels des recensements après un délai de 92 ans? La Loi sur la protection des renseignements personnels renferme une disposition à cet égard. Cette disposition n'exclut pas l'accès du public aux dossiers des recensements effectués après 1901. Si le gouvernement n'avait pas, comme il l'avait fait jusque là, l'intention de publier, à 10 années d'intervalle, les résultats des recensements, pourquoi diable aurait-il en 1983 rédigé une loi et des règlements en ce sens?

Le sénateur Taylor: C'est une bonne question, honorables sénateurs. Le sénateur a renversé mon argument. J'ai dit qu'il n'y avait pas de précédents et que nous avions une entente qui était de ne pas rendre ces dossiers publics. Le sénateur dit: «Le gouvernement a déjà violé cette entente, pourquoi ne recommencerait-il pas?» Tout ce que j'ai à répondre à cette question, c'est qu'on ne guérit pas le mal par le mal.

L'honorables Sheila Finestone: Honorables sénateurs, madame le sénateur Milne pourrait-elle clarifier ses remarques? Que je sache, les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels autorisent l'accès aux résultats du recensement à des fins de recherche exclusivement. Elles n'autorisent pas l'accès à tous les renseignements figurant dans les dossiers des recensements effectués à partir de 1901, sauf à des fins bien définies.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Finestone peut poser une question à l'honorable sénateur Taylor, mais non au sénateur Milne. Ses questions s'adressaient au sénateur Taylor.

Quoi qu'il en soit, j'informe le Sénat que les 15 minutes sont écoulées. Le sénateur Taylor demande-t-il la permission de poursuivre?

Le sénateur Taylor: Non.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, cette question était inscrite à l'origine au nom du sénateur Johnson. Vous plaît-il, honorables sénateurs, qu'elle reste inscrite à son nom?

Des voix: D'accord.

(L'article reste inscrit.)

[Français]

(1640)

Projet de loi d'harmonisation du droit fédéral avec le droit civil

Deuxième lecture

Permission ayant été accordée de revenir aux projets de loi, no 3.

Permission ayant été accordée de revenir aux projet de loi, numéro 3:

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur De Bané, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-22, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, le projet de loi S-22 a pour but d'harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec. Il s'agit du premier projet de loi en ce sens; il sera suivi, au moment jugé opportun, d'autres projets de loi de même nature.

L'initiative heureuse de ce projet de loi vise à rendre plus concret le principe et l'avantage du bijuridisme au Canada. Cette initiative, qui commence à donner des fruits aujourd'hui, ne date pas d'hier. En effet, dès 1978, un programme de «corédaction» était institué au ministère de la Justice du Canada afin que nos légistes puissent rédiger des versions originales des projets de loi, en anglais et en français, sans que l'une soit la traduction de l'autre.

La réforme du Code civil du Québec en 1994 a eu un impact majeur sur le droit fédéral de sorte qu'après avoir mis sur pied en 1993 la Section du Code civil, et adopté la Politique d'application du Code civil du Québec à l'Administration publique fédérale, le ministère de la Justice du Canada a créé, en 1997, le Programme d'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil du Québec.

Le Canada est un pays bilingue et bijuridique. Le bilinguisme, sur le plan fédéral, est consacré par la Constitution à l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867 et aux articles 16 à 22 de la Charte canadienne des droits et libertés. Nous avons aussi la Loi sur les langues officielles. Le caractère bijuridique du Canada fait l'objet d'une reconnaissance constitutionnelle comme en font foi l'Acte de Québec de 1774, le paragraphe 92(13) et l'article 94 de la Loi constitutionnelle de 1867, et l'alinéa 41d) de la Loi constitutionnelle de 1982 qui protège la composition de la Cour suprême du Canada. Il faut le consentement de chacune des 10 assemblées législatives provinciales et celui du Parlement du Canada - le Sénat a un veto suspensif de 180 jours - pour modifier la composition de la Cour suprême. Je suis d'avis que la composition de la Cour suprême inclut la composante civiliste, c'est-à-dire que trois juges sur neuf doivent être de formation civiliste. Voilà un autre exemple qui témoigne du caractère bijuridique du Canada.

Le paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue aux législatures provinciales une compétence législative exclusive en matière de «propriété et de droits civils». Ce paragraphe 92(13) a permis au Québec de conserver un régime de droit privé d'inspiration française. Pour Georges-Étienne Cartier, un des Pères de la Confédération, cette question était de la plus haute importance.

La Loi constitutionnelle de 1867, par l'article 94, permet au Parlement fédéral, à certaines conditions, d'uniformiser les lois relatives à la propriété et aux «droits civils». Le Québec échappe à cette règle générale pour des raisons évidentes. Il s'agit là d'un cas où, sur le plan constitutionnel, le statut du Québec diffère de celui des autres provinces.

Dès 1774, le législateur britannique, grâce au premier ministre Lord North, avait reconnu aux «Canadiens» le droit de vivre sous un régime de lois civiles françaises. Après la révolution américaine, des loyalistes vinrent s'établir au Canada, en grande partie en Ontario. L'Acte constitutionnel de 1791, qui prévoyait l'établissement de deux provinces, permit à la législature du Haut-Canada d'introduire la common law dans cette province. Les autres colonies britanniques, dans la partie nord de l'Amérique, vivaient déjà sous le régime de la common law. La province de Québec conserva son droit civil. Sous l'Union en 1840, qui unit Québec et Ontario, la situation demeura inchangée.

En 1864, la Province du Canada - Ontario et Québec, c'est-a-dire le Haut-Canada et le Bas-Canada -, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick et l'Île-du-Prince-Édouard songèrent à former une fédération. Les délégués du Bas-Canada voulurent que cette province restât maîtresse de ses destinées sur le plan religieux et éducationnel et conservât son régime de droit civil français.

Le 10 juin 1857 à Toronto, sous l'Union, entrait en vigueur la loi proposée par le procureur général Georges-Étienne Cartier aux fins de codifier le droit civil du Bas-Canada. Le personnel de la commission fut choisi le 4 février 1859: les juges René-Édouard Caron et Charles Dewey Day de Québec et le juge Augustin-Norbert Morin de Montréal. Il y eut huit rapports qui s'échelonnèrent du 12 octobre 1861 au 25 novembre 1864. L'oeuvre fut communiquée aux corps législatifs le 31 janvier 1865. Une proclamation fut émise le 26 mai 1866 et le Code civil du Bas-Canada entra en vigueur le 1er août 1866, soit 11 mois avant la Confédération canadienne.

Le législateur à Westminster, en 1867, reconnut le droit pour les provinces canadiennes de légiférer en matière de propriété et de droits civils. Il s'agit là du pouvoir le plus important qui fut dévolu aux législatures provinciales et qui devait par la suite constituer l'assise de l'autonomie provinciale. Aux quatre provinces signataires originelles vinrent s'en ajouter six autres. Seule la province de Québec vit sous un régime de droit privé d'inspiration française. Les autres provinces vivent sous le régime de la common law. C'est à juste titre qu'Eugène Forsey écrivit:

Le Québec n'est pas, n'a jamais été et ne sera jamais une province comme les autres; c'est la citadelle du Canada français.

Il y a aussi lieu de noter l'importance de l'arrêt Parsons ([1881-1882] 7 A.C. 96). Le comité judiciaire du Conseil privé fit remarquer que l'expression «propriété et droits civils», au paragraphe 92(13) de la Loi constitutionnelle de 1867, a la même signification qu'à l'article 94. Si le Parlement central pouvait légiférer en matière contractuelle dans la province, l'article 94 n'offrirait plus aucune protection pour le Québec. Le Conseil privé ajouta que l'expression «civil rights» au paragraphe 92(13) avait une aussi grande portée que l'expression «civil rights» employée dans l'Acte de Québec de 1774. L'article VIII de l'Acte de Québec prévoit que les sujets canadiens de Sa Majesté jouiront de leur propriété, de leurs usages et autres droits civils comme par le passé. Dans l'Acte de Québec de 1774, les mots «propriété et droits civils» sont employés dans leur sens le plus large. Il n'y a pas de raison, affirme le Conseil privé, que ces mots aient un sens différent ou plus étroit dans la Loi constitutionnelle de 1867.

(1650)

Le projet de loi S-22 nous donne un aperçu de l'importance du bijuridisme au Canada et des avantages que cela nous procure. Ainsi, en cette ère de la mondialisation des marchés et de l'internationalisation des droits et libertés de la personne, nos deux traditions juridiques que sont la common law et le droit civil nous permettent de nous faire valoir sur la scène internationale. Car, ne l'oublions pas, 80 p. 100 de la population de la planète sont régis soit par la common law, soit par le droit civil.

Incidemment, le fait que le Canada soit le seul pays au monde à être membre à la fois du G-7, de la Francophonie, du Commonwealth et de l'APEC, nous confère une place de choix sur l'échiquier international.

De plus, il convient de mentionner que la formation de nos juristes, grâce aux universités d'Ottawa, McGill et Dalhousie, est de plus en plus axée sur le bijuridisme. Ces trois universités offrent un programme dit «national» qui permet aux étudiants qui le veulent, la possibilité d'obtenir deux diplômes en quatre ans: un en common law et un autre en droit civil. Ce programme est de plus en plus populaire.

Le projet de loi S-22 comprend un préambule, lequel reconnaît notamment que le caractère unique de la société québécoise repose en partie sur sa tradition de droit civil. Voilà un fait indéniable. Ce faisant, nous agissons conformément à la motion que nous avons adoptée le 7 décembre 1995 et qui reconnaît le Québec comme une société distincte.

Le préambule du projet de loi S-22 énonce aussi les principaux objectifs de cette législation: une interaction harmonieuse entre le droit fédéral et le droit provincial, le respect des traditions de droit civil et de common law; le plein épanouissement de ces deux traditions qui nous ouvrent une fenêtre sur le monde; un accès plus facile à une législation fédérale respectueuse, tant en anglais qu'en français, des traditions de droit civil et de common law.

Je conçois aisément que la rédaction d'un projet de loi de ce genre n'est pas chose facile. Comme l'explique Me Marie-Claude Gervais dans le Journal du Barreau du 15 septembre 1999:

On demande aux rédacteurs de textes législatifs, dans un souci de cohérence, que soit respecté le principe de l'uniformité d'expression : chaque terme ne devrait faire l'objet que d'une seule acception; chaque concept ne devrait avoir qu'une seule expression. Ce principe d'interprétation veut dans ce cas que partout dans la loi et au-delà, dans le corpus législatif, le même terme ait le même sens.

Par ailleurs, il y a lieu de noter que l'élaboration d'un projet de loi de ce genre n'est pas faite en vase clos: des professeurs de droit, le Barreau du Québec, la Chambre des notaires du Québec et le ministère de la Justice du Québec ont collaboré au projet de loi S-22. À cet égard, notamment, je vous recommande la lecture d'un ouvrage magistral de 1062 pages intitulé L'harmonisation de la législation fédérale avec le droit civil québécois et le bijuridisme canadien (recueil d'études), publié par le ministère de la Justice du Canada en 1997.

Les principaux aspects du projet de loi S-22 concernent des modifications à la Loi d'interprétation afin d'y insérer des dispositions visant à reconnaître la coexistence des deux traditions juridiques canadiennes et confirmant la nécessité de recourir au droit provincial lors de l'application d'une loi fédérale qui comporte des aspects de droit privé;

l'abrogation de dispositions pré-confédérales du Code civil du Bas-Canada qui portent sur une matière relevant de la compétence du Parlement canadien depuis 1867;

le remplacement de dispositions pré-confédérales du Code civil du Bas-Canada en matière de mariage.

Pour le reste, le projet de loi est essentiellement de nature technique.

Il modifie 48 lois fédérales afin d'harmoniser des définitions, des expressions et d'autres mots, dans le but d'assurer que le droit fédéral reflète tant le droit civil que la common law. Ces lois, qui sont modifiées par le projet de loi S-22, portent sur le droit des biens, la responsabilité civile et les sûretés.

Comme l'a si bien dit le juge Michel Bastarache de la Cour suprême du Canada, à l'occasion d'une conférence portant justement sur le bijuridisme, le 26 novembre 1998:

Nous avons une chance unique au Canada de nourrir notre réflexion à même les deux plus grands systèmes juridiques du monde. Il faut saluer les efforts nouveaux pour tirer pleinement parti de cet atout.

Je suis, bien sûr, très favorable au projet de loi S-22, sous réserve évidemment d'une étude plus approfondie en comité.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur voudrait-il répondre à quelques questions?

Le sénateur Beaudoin: Oui.

Le sénateur Nolin: L'honorable sénateur a fait référence au Code civil du Bas-Canada. La province de Québec entend-elle introduire des amendements législatifs à ses lois civiles?

Le sénateur Beaudoin: Onze mois avant la Confédération, le Code civil du Bas-Canada s'inspirait du Code Napoléon en France, et en 1994, comme vous le savez, le Code civil réformé est entré en vigueur. Il fallait que les lois fédérales s'adaptent au nouveau Code civil québécois. Ils ont fait bien attention pour respecter les compétences législatives.

La loi fédérale d'harmonisation, d'après moi, rencontre cet objectif. Je ne vois aucun conflit de compétence législative entre Ottawa et Québec sur ce plan. Je souligne que le ministère de la Justice du Québec a été consulté. Je félicite le ministère fédéral de la Justice d'avoir fait un travail aussi considérable. Cela a pris un certain temps, mais c'est très bien fait.

Ce projet de loi sera sûrement référé au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, et il faudra y vérifier chaque section du projet de loi. Je suis tout à fait optimiste. Nous n'aurons aucune difficulté parce que le texte a été pensé et les gens ont beaucoup réfléchi. Ils ont consulté le Barreau, le Québec et des professeurs très versés en droit civil et aussi dans l'application des lois.

Son Honneur le Président: Si aucun autre honorable sénateur ne souhaite prendre la parole, je vais passer à la question.

L'honorable sénateur De Bané, appuyé par l'honorable sénateur Rompkey, propose que le projet de loi S-22 soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Hays, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Traduction]

(1700)

Le Code criminel
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Projet de loi modificatif - Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Watt, portant deuxième lecture du projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (peines consécutives).-(L'honorable sénateur Taylor).

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion du sénateur Cools, appuyée par le sénateur Watt, portant deuxième lecture du projet de loi C-247, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, à la suite du sénateur Bryden, mais pour défendre l'autre aspect de la question. En effet, le sénateur Bryden a présenté une analyse fort intéressante de ce qu'il estimait être les lacunes du projet de loi C-247 qui, à défaut d'une expression plus heureuse, est désormais qualifié de projet de loi sur la peine consécutive.

Le sénateur Bryden a fait grand cas des six principes de la détermination de la peine que nous avions mis de l'avant dans le projet de loi C-41, il y a de nombreuses années déjà. Il s'agit des principes suivants: dénoncer la conduite préjudiciable, dissuader le contrevenant et autres personnes de commettre de nouvelles infractions, retirer au besoin les contrevenants de la société, aider les contrevenants dans leur réhabilitation, obtenir réparation pour les victimes, et inculquer aux contrevenants le sens des responsabilités en les amenant à reconnaître les torts causés.

Comme c'est souvent le cas dans les exposés sur la détermination de la peine, le sénateur Bryden a laissé entendre que les partisans de peines plus lourdes étaient fondamentalement motivés par la vengeance. C'est peu charitable à l'endroit de ceux s'opposent au statu quo.

Cela m'ennuie de voir les juristes former une meute et tourner, tels des loups, autour de toute personne qui ne serait pas de la magistrature et qui laisserait entendre que certains changements devraient être apportés à la législation canadienne en matière de détermination des peines. Je dis cela plutôt en guise d'entrée en matière, car après de nombreuses années passées à l'assemblée législative et ailleurs, bien que je ne sois pas juriste de formation, j'en ai couvé quelques-uns dans ma famille.

Le sénateur Cools: Couvé?

Le sénateur Taylor: Si vous couvez un oeuf suffisamment longtemps, il finira par éclore.

Je soutiens que l'opinion publique finit par s'imposer aux tribunaux. Il y a quelques centaines d'années, on pendait ceux qui volaient des moutons. Je doute qu'il faille attribuer aux avocats la suppression de cette disposition dans la loi. C'est l'opinion publique qui a fini par penser que la pendaison était une peine trop sévère pour un vol de mouton.

Le projet de loi parle de peines consécutives. Le sénateur Bryden a soutenu que le projet de loi est conforme aux principes de la détermination de peine. Honorables sénateurs, j'ai lu ces six principes et je ne vois pas en quoi l'imposition de peines consécutives va à l'encontre de l'un ou l'autre de ces principes. Elle dénonce la conduite préjudiciable et a un effet dissuasif sur le délinquant. Elle sépare les délinquants de la société. La seule question qui pourrait se poser concerne la réadaptation des délinquants. Le système actuel de peines concurrentes tient pour acquis que le délinquant sera réadapté après avoir purgé sa peine d'emprisonnement à perpétuité, qui est aujourd'hui de 25 ans. La réadaptation après des peines consécutives serait probablement tout aussi valable. Je ne vois pas en quoi ces modifications auraient beaucoup de différence. Pour ce qui est de la réinsertion des criminels au sein de la société, l'adoption du projet de loi ne l'empêcherait pas mais elle la retarderait. C'est le but principal de l'imposition de peines consécutives.

Le sénateur Bryden a aussi remis en question la façon dont le projet de loi a été adopté à la Chambre des communes. Contrairement à ce qu'il disait, le projet de loi n'a certainement pas été concocté en toute vitesse. Il a fait l'objet d'un long débat à la Chambre, un débat qui s'est étiré sur plus de quatre ans, y compris plusieurs journées d'audience en comité. Nous disons souvent qu'il ne se fait pas grand-chose dans l'autre endroit, mais nous devons tous reconnaître qu'au bout de quatre ans il doit forcément en sortir quelque chose. L'étude a duré jusqu'aux dernières élections. Aussi, je trouve un peu fort de dire que le projet de loi a été concocté en toute vitesse.

L'imposition de peines consécutives est devenue très rare, si bien que les victimes hésitent maintenant à venir témoigner parce qu'elles savent que, quoi qu'elles disent, la peine du délinquant ne sera pas prolongée d'une seule journée. Autrement dit, cela a pour effet de retarder le cours normal de la justice lorsqu'un récidiviste se retrouve devant les tribunaux. Les témoins éventuels, lorsqu'ils ont connaissance d'une autre infraction, doutent de l'utilité de venir témoigner puisque, selon eux, cela ne modifie en rien la peine imposée au délinquant. Même si ce dernier risque de se voir infliger une peine consécutive, les témoins ne seront pas plus motivés pour autant. Il y a un risque à croire que l'imposition de peines consécutives nuit à la justice et que les personnes qui devraient venir témoigner contre l'auteur de viols ou de meurtres multiples ne le feront pas. Pourquoi des témoins éventuels viendraient-ils témoigner lorsqu'ils savent que cela ne modifiera en rien la peine qui sera prononcée? Ils savent que les peines seront tout simplement purgées concurremment. En fait, ils craignent que le délinquant, à sa sortie de prison, ne soit pas complètement réadapté et qu'il veuille se venger de la société.

À l'heure actuelle, un juge peut choisir d'imposer une peine consécutive plutôt qu'une peine concurrente. Ce projet de loi n'enlèvera pas aux juges ce pouvoir de choisir. Au contraire, si le projet de loi est adopté, les juges auront encore plus de latitude dans la détermination de la peine. Certains ont prétendu que les juges auraient davantage les mains liées. Je ne pense pas.

D'autres se sont aussi demandé comment on pouvait imposer à une personne deux peines d'emprisonnement à vie alors qu'elle n'a qu'une vie. Honorables sénateurs, c'est jouer sur les mots. Ce n'est qu'une façon de parler, car les juges n'imposent pas une peine d'emprisonnement à vie proprement dite. Ils imposent une période d'emprisonnement de 20 ou 25 ans par exemple. La peine d'emprisonnement à vie n'existe tout simplement pas. Le sénateur Nolin secoue la tête. Je suis heureux d'avoir attiré son attention. On joue sur les mots en disant qu'on ne peut imposer une peine d'emprisonnement à vie. Si on ne peut imposer une peine d'emprisonnement à vie, on peut par contre imposer des peines consécutives de 25 ans. C'est une façon de contourner les mots.

Un autre argument qu'on entend concerne le principe de la dissuasion. Une peine consécutive est utilisée dans les cas de viols et de meurtres multiples. Il n'existe actuellement aucun moyen de dissuader un violeur ou un meurtrier qui a déjà commis deux ou trois crimes violents. Rien ne dissuadera ce criminel de commettre d'autres crimes. Si la personne est instable sur le plan psychologique, on la pousse presque à continuer ses activités criminelles, car la peine qu'elle recevra ne sera pas pire que si elle s'était arrêtée après les deux premiers crimes. Autrement dit, sur une certaine période, dans le système actuel, nous encourageons les viols ou les meurtres multiples.

(1710)

Notre société a éliminé la peine capitale. Je suis d'accord pour un certain nombre de raisons, mais je ne me lancerai pas dans ce débat. Cependant, la soi-disant peine d'emprisonnement à vie est à mi-chemin entre la peine capitale et la libération d'une personne après l'avoir réprimandée, en espérant que cette correction a servi de réadaptation.

L'imposition d'une peine consécutive tient compte du fait que la personne reconnue coupable passera plus de temps dans une maison de transition appelée prison qu'elle ne le ferait autrement. Je ne vois pas comment cela peut miner les principes de justice, comme le soutiennent certains de mes amis juristes.

Le gouvernement a récemment autorisé qu'on modifie le droit à la libération conditionnelle, en ce qui a trait à la clause de la dernière chance. Si des modifications sont permises à cet égard, pourquoi ne pas en profiter en s'attaquer à la peine consécutive?

Honorables sénateurs, ce projet de loi est raisonnable et il repose sur beaucoup de logique. Ma fille, qui enseigne le droit, dit qu'il n'y a aucun lien entre la loi et la logique. Dans ce cas particulier, je pense qu'elle a tout à fait raison. Selon la logique qui sous-tend ce projet de loi, s'il y a des peines et si on peut aller jusqu'à imposer une peine de 25 ou de 20 ans, on peut certes en imposer une autre totalement ou en partie. C'est très logique.

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, est-ce qu'un autre honorable sénateur voudrait intervenir? Sinon, je dois vous informer que, si l'honorable sénateur Cools prend la parole maintenant, son discours aura pour effet de mettre fin au débat sur la question.

Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je remercie le sénateur Taylor pour les observations qu'il a faites au cours des dernières minutes. Je serai très brève.

Albina Guarnieri est, depuis longtemps, une remarquable libérale de la région de Toronto qui est réputée pour son travail en faveur du Parti libéral du Canada, à Toronto et dans les environs. J'ai pensé qu'il était important de le faire remarquer aux sénateurs. Mme Guarnieri est une personne que je respecte énormément et pour qui j'ai beaucoup d'affection.

À la défense d'Albina Guarnieri, je dirai que ses efforts, sa détermination et sa loyauté à l'égard des causes qu'elle défend sont éloquents.

Honorables sénateurs, lorsque le sénateur Bryden est intervenu le 11 avril, je lui ai posé quelques questions auxquelles il a répondu. Je me suis alors réservé le droit d'invoquer le Règlement. Je ne l'ai pas fait, parce qu'il a été impossible de réunir tous les intéressés.

Je tiens à dire qu'une fois qu'il eut terminé son discours le 11 avril 2000, je me suis levée et j'ai posé des questions au sénateur Bryden, parce que dans son exposé celui-ci avait dit que j'avais exagéré. Je lui posé la question suivante, comme on peut le voir à la page 1100 des Débats du Sénat:

Le sénateur pourrait-il m'expliquer en quel sens j'ai exagéré?

Le sénateur Bryden a répondu en disant:

Honorables sénateurs, si vous examinez le compte rendu des débats, vous constaterez que je n'ai jamais employé le mot «exagérer».

Le sénateur Bryden a poursuivi en disant plus loin:

Encore une fois, j'ai bien pris soin d'ajouter l'expression «à mon avis» en préambule à mes commentaires.

J'invite le sénateur à vérifier le compte rendu.

Honorables sénateurs, j'étais pas mal certaine d'avoir bien entendu et j'ai reposé la question au sénateur Bryden en lui demandant d'apporter des éclaircissements. Encore une fois, le sénateur Bryden a fourni la réponse suivante, qui se trouve à la page 1100 des Débats du Sénat:

Encore une fois, je peux me tromper, mais je ne pense pas avoir parlé d'exagération.

Lorsque j'ai parlé de ce qui s'est passé ici, au Sénat, j'ai expressément utilisé à deux reprises le nom du sénateur Cools parce que je citais ses paroles [...] Si le sénateur Cools a eu une impression différente, c'est regrettable, mais c'est certainement ce que je voulais dire et je crois que c'est ce que j'ai dit.

À ce moment-là, j'ai répondu ce qui suit:

Je vérifierai attentivement le compte rendu, mais ce que j'ai entendu, en tant que marraine, c'est l'honorable sénateur parler du projet de loi au Sénat.

Honorables sénateurs, j'ai effectivement vérifié le compte rendu du discours du sénateur Bryden et j'ai constaté qu'il avait dit ceci à la page 1098:

Honorables sénateurs, c'est ce que l'on nous a dit à l'occasion de débats antérieurs en cette Chambre, mais ce n'est pas tout à fait exact. Lorsqu'on lit les témoignages entendus par le comité dans l'autre endroit, on apprend quelque chose de différent. Dans son témoignage, M. David Daubney a dit que, en réalité [...]

Le sénateur Bryden a ensuite continué à citer M. David Daubney. Il a poursuivi durant quelques phrases puis a dit ce qui suit, toujours à la page 1098:

Honorables sénateurs, j'ai de nouveau été surpris du fait que le parrain exagère l'incidence du projet de loi.

Honorables sénateurs, je ne compte pas faire grand-chose à ce sujet, si ce n'est de laisser le compte rendu montrer clairement que le sénateur Bryden a bien tenu les propos que j'ai entendus. Le sénateur Bryden voudra peut-être répondre à cela plus tard ou donner des éclaircissements.

Je lui ai posé la question à deux reprises. Il m'a répondu qu'il n'avait pas dit que j'exagérais. J'ai examiné le compte rendu. Il indique clairement que c'est ce qu'il a dit.

Cela dit, honorables sénateurs, je voudrais poursuivre et ajouter que, lorsque nous parlons d'autres collègues, surtout du même parti, de collègues à l'autre endroit, même lorsque des sénateurs ne sont pas d'accord avec eux, il importe de nous rappeler que les gens s'attendent à ce que leur travail soit respecté.

En fin de compte, en tant que collègues et membres du même groupe parlementaire, notre appartenance à ce groupe parlementaire s'accompagne d'un ensemble de responsabilités, dont une certaine dose de déférence et de respect, même en cas de désaccord.

Honorables sénateurs, le débat a été très harmonieux et assez complet. Nous avons tous la preuve que certains aspects de ces questions doivent être corrigés. Il semble que bien des sénateurs estiment que ce projet de loi n'est pas le meilleur moyen d'apporter ces corrections. Cependant, si les sénateurs sont fermement d'avis qu'il faudrait amender le projet de loi, ils devraient présenter des amendements. Je suis convaincue que le parrain du projet de loi et le comité sénatorial examineront ces amendements avec grand soin et qu'ils seront bien accueillis. J'estime que ce débat est très important et qu'il doit se poursuivre.

Cela dit, honorables sénateurs, je vais terminer mes observations pour que la question soit mise aux voix.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, l'honorable sénateur Cools, appuyée par l'honorable sénateur Watt, propose que le projet de loi soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorable sénateurs, je voulais simplement dire que j'appuyais entièrement ce projet que nous présente madame le sénateur Cools.

[Traduction]

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Cools, le projet de loi est renvoyé au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)

[Français]

(1720)

La Société Radio-Canada

Interpellation-Ajournement du débat

L'honorable Marie-P. Poulin, ayant donné avis le jeudi 11 mai 2000:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur la Société Radio-Canada.

Honorables sénateurs, depuis quelques jours, on rapporte que la télévision anglaise de la Société Radio-Canada a l'intention d'effectuer un virement majeur en réduisant sa production régionale d'un bout à l'autre du pays, en réduisant ses effectifs à plusieurs endroits et en redirigeant les économies vers des projets pour diffusion nationale.

Il est surprenant d'apprendre que notre radiodiffuseur public songe à réduire son nombre global d'heures de production canadienne au moment même où les communications sont en pleine explosion, où la convergence technique multiplie les alliances stratégiques, où l'Internet nous permet non seulement d'avoir accès à des informations de toutes sortes du monde entier, mais aussi où le Canada peut alimenter le monde entier de productions canadiennes variées, provenant par exemple de Terre-Neuve et Labrador, du Québec, de la Saskatchewan et du Yukon. Le Sénat a déjà publié deux rapports au sujet de cette explosion des communications. Ces rapports sont intitulés: «Au fil du progrès I» et «Au fil du progrès II». Tous les témoins qui ont comparu devant les sénateurs participant à cette étude spéciale ont répété qu'il n'est pas évident où la convergence technique nous mènera, mais chose certaine, l'avenir est dans le contenu.

Honorables sénateurs, il est encore plus surprenant d'apprendre que notre radiodiffuseur public songe à diminuer sa production régionale au moment où les pays membres du G-8 et les pays membres de la Francophonie discutent de l'importance de respecter, de promouvoir et de protéger la diversité culturelle dans le contexte de la mondialisation. N'est-elle pas l'essence même de notre pays? Le Canada s'est bâti avec de petits groupes éparpillés sur une immense superficie. Le Canada n'est pas un pays homogène. C'est notre diversité qui nous a permis de développer notre tolérance et le respect de nos différences. Cette diversité est vivante, non statique;ou elle s'enrichira ou elle s'appauvrira dans les années à venir. C'est en nous reconnaissant à l'antenne de la télévision anglaise et de la télévision française de la Société Radio-Canada, d'un bout à l'autre du pays, que notre diversité culturelle s'enrichira. Oui, les Canadiens et les Canadiennes veulent se reconnaître à l'antenne de leur télévision publique.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le Comité permanent du patrimoine national de l'autre endroit s'est laissé dire mardi que la télévision anglaise de la Société Radio-Canada souffrait d'une crise d'identité, qu'elle traversait une crise financière, mais que la Société Radio-Canada allait y remédier. Bravo. Tous les Canadiens veulent une Société Radio-Canada renouvelée et revitalisée. Je souhaite que le conseil d'administration aura le discernement voulu pour faire les bons choix, de façon à ce que les Canadiens d'un océan à l'autre soient mieux servis.

J'ai également entendu le représentant de la télévision anglaise de la Société Radio-Canada dire que la proposition de réduire le nombre d'heures produites par la télévision anglaise dans tout le pays était à l'étude depuis 15 mois. Il s'est passé beaucoup de choses depuis 15 mois dans le domaine des communications; plus particulièrement, à la Société Radio-Canada elle-même, avec l'arrivée d'un nouveau président. Quand M. Robert Rabinovitch a été nommé à la Société Radio-Canada, l'industrie des communications tout entière s'est réjoui. Il est respecté pour son expérience en tant que fonctionnaire et pour sa réussite en tant qu'homme d'affaires, et il est bien connu pour son engagement envers la radiodiffusion publique.

Honorables sénateurs, je crois que M. Rabinovitch possède le sens des valeurs et l'énergie requis pour diriger notre radiotélédiffuseur public canadien au XXIe siècle. Un chef a besoin d'une équipe, parfois même d'une armée. J'ai été très impressionné de l'entendre dire cette semaine qu'il fait entièrement confiance à son personnel. Il sait que la valeur de chaque émission dépend de l'idée de base et de la production. Il sait que chaque information présentée à Radio-Canada sera d'autant plus objective, juste et informative que les journalistes se sentiront respectés et appuyés. Il arrive cependant à un moment particulièrement crucial. Chaque employé de cet organisme de nouvelles et de création, qu'est la SRC/CBC, a vu un collègue perdre son emploi, année après année, depuis le milieu des années 80. Nous tous, en cette Chambre, avons assez d'expérience en matière de gestion supérieure pour savoir quel peut être l'effet de 16 années d'instabilité sur une organisation. Notre diffuseur public est une organisation qui dépend totalement de la créativité, de l'innovation, du dévouement et du professionnalisme à chaque endroit. Comment les petites équipes de Moncton, Chicoutimi, Windsor, Regina ou Iqaluit, par exemple, peuvent-elles continuer à vouloir être les meilleures dans le secteur des services de radiodiffusion et de télédiffusion offerts aux Canadiens dans leur localité?

Honorables sénateurs, souvenez-vous de l'époque où nous appelions la SRC la «société-mère». Le temps est peut-être venu pour qu'un nouveau PDG arrive à la SRC et gère notre diffuseur public comme un père - pas un père surprotecteur, car ses enfants deviendront des adultes faibles, ni un père ambivalent, car les objectifs et les règles seront trop flous. Ce dont nous avons besoin, c'est plutôt d'un père attentif, capable de créer de multiples occasions pour que se développent les diverses compétences nécessaires à la production d'émissions de radio et de télévision. Combien parmi vous rigolent en regardant l'émission This Hour Has 22 Minutes? Elle a été imaginée il y a déjà dix ans, dans un petit bureau de la CBC des provinces de l'Atlantique. Nous avons besoin d'un père attentif pour tout le Canada afin que les talents canadiens s'épanouissent d'un océan à l'autre et à l'autre.

Nous sommes tous assez âgés pour nous souvenir d'Anne Murray chantant et s'accompagnant à la guitare, il y a 35 ans, dans un petit studio de la CBC des provinces de l'Atlantique.

(1730)

Nous avons besoin que ce père soit non seulement attentif, mais aussi bien équilibré, et qu'il sache encourager et se montrer exigeant auprès des ressources les plus précieuses de la société, son personnel. D'une part, il doit reconnaître l'excellence, comme de bonnes interviews et une présentation visuelle exceptionnelle, mais aussi rejeter la médiocrité, comme le manque d'éthique et une couverture non équilibrée.

Honorables sénateurs, nous avons besoin, d'une part, d'un père équilibré pour tout le Canada, à qui sont offerts deux services publics de télévision en anglais et deux en français, dont Newsworld et RDI, dont toutes les émissions sont diffusées au niveau national, selon le modèle américain. D'autre part, nous avons besoin de CBC Television et de la télévision de Radio-Canada, où certaines émissions sont locales et d'autres nationales, selon le modèle de la BBC.

Honorables sénateurs, ce père ne doit pas être qu'attentif et équilibré, il doit aussi être intelligent. À notre époque, on accole ce qualificatif aux immeubles ou aux collectivités pour dire que tout ce qu'on y trouve et tous les habitants sont reliés. Pourquoi ne pas avoir un PDG capable de relier la SRC à d'autres organismes culturels comme l'ONF et le CNA, à des entreprises grandes ou petites dans des collectivités importantes ou plus modestes, à des collèges et à des universités, pour la formation, à cause de l'urgent besoin de professionnels dans les nouveaux médias? Nous avons besoin d'un PDG «intelligent», capable de relier les anciens médias et les nouveaux, le Canada rural et le Canada urbain, la majorité et les groupes minoritaires, les anglophones et les francophones. Voilà ce que la télévision locale peut faire.

[Français]

Honorables sénateurs, notre radiodiffuseur public est comme un arbre, plus ses racines seront fortes et bien nourries, plus son feuillage sera éclatant; plus les employés et les programmes seront enracinés d'un bout à l'autre du Canada, plus les émissions nationales seront réussies, mais, surtout, plus l'identité même de la CBC et de la Société Radio-Canada remontera à la surface. Un service public, oui! Un service public qui renseigne, éclaire et divertit.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser: Honorables sénateurs, puis-je poser rapidement une question au sénateur Poulin?

Le sénateur Poulin: Certainement.

Le sénateur Fraser: Honorables sénateurs, j'ai été frappée d'entendre le sénateur Poulin déclarer que toute organisation de cette nature avait besoin de racines fortes. Si les racines ne sont pas solidement implantées, l'arbre sera faible.

Je sais que l'honorable sénateur Poulin possède une vaste expérience dans le domaine. Dirait-il que, du moins pour ce qui est des nouvelles, la collecte de nouvelles locales pourrait être assimilée aux racines dont il parlait?

Le sénateur Poulin: L'honorable sénateur Fraser a été journaliste. Elle sait que la collecte de nouvelles est essentielle. Toutes les stations doivent être en mesure d'aller chercher les nouvelles et de les mettre en ondes aussi.

Il faut adopter comme point central de la perspective la nouvelle au moment où elle se produit. En raison de l'étendue du pays, il est impossible pour une personne qui se trouve dans une ville de se faire une idée précise du véritable contexte dans lequel se présente la nouvelle qui survient ailleurs au pays.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, peut-être le sénateur Poulin acceptera-t-il de répondre à une autre question.

L'attaque contre Radio-Canada semble principalement motivée par la fermeture de stations régionales. Nous sommes inondés de nouvelles en provenance de grands villes comme Calgary, Edmonton, Toronto et Vancouver. Y aurait-il moyen de faire comprendre à Radio-Canada que nous n'avons pas besoin de nouveaux services de nouvelles régionaux dans ces grandes villes déjà couvertes par trois ou quatre réseaux? Cependant, nous avons besoin de nouvelles sur les régions où il n'existe pas de concurrence. En d'autres mots, Radio-Canada a un rôle national à jouer en fournissant des nouvelles régionales aux Canadiens qui n'y auraient pas autrement accès.

Le sénateur Poulin: L'honorable sénateur pose en fait trois questions. Comme d'habitude, il est très concis et je serai honoré de répondre à ses questions.

Tout d'abord, y a-t-il de la place au Canada pour un service de nouvelles public et un service privé dans certaines grandes villes? À cela, je répondrai oui, tout à fait. Les journalistes professionnels utilisent peut-être les mêmes techniques, mais les objectifs d'un radiodiffuseur public et ceux d'un radiodiffuseur privé ne sont pas les mêmes.

Qu'est-ce qui différencie la qualité des actualités diffusées au Canada et celles diffusées dans des pays n'ayant pas de service de radiodiffusion public? C'est l'éthique professionnelle des journalistes. C'est vrai, même dans les grands centres, il est possible de ménager un équilibre entre la radiodiffusion privée et la radiodiffusion publique.

Évidemment, dans certains centres, aucun autre service n'est offert. Par exemple, dans le Nord canadien, les autochtones sont desservis par une équipe bien établie et articulée. Dans nombre de régions du Nord, il n'existe aucun autre service. C'est là qu'on voit la vraie nature, la vraie raison d'être de notre radiodiffuseur public.

La troisième question implicite cherche à déterminer si nous pouvons, en tant que pays, concurrencer les émissions de variété et de nouvelles provenant de l'étranger, par exemple, de nos voisins, les Américains? C'est possible, à mon avis, car les Canadiens veulent pouvoir se reconnaître dans leur radiodiffuseur public.

Il peut être parfois plaisant de regarder des émissions de variétés provenant de l'étranger, mais il est également nécessaire de s'informer et de se divertir en regardant les émissions de notre propre radiodiffuseur.

(Sur la motion du sénateur Bolduc, le débat est ajourné.)

Affaires juridiques et constitutionnelles

Retrait de la motion autorisant le comité à siéger pendant la séance du Sénat

À l'appel de la motion numéro 70:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger à 15 h 30, le mercredi 17 mai 2000, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je demande la permission de retirer la motion numéro 70, puisqu'elle n'est plus pertinente.

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est retirée.)

Affaires sociales, sciences et technologie

Retrait de la motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l'appel de la motion no 71:

Que le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger à 15 h 30, le mercredi 17 mai 2000, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Avec la permission des sénateurs, je voudrais retirer la motion numéro 71, car elle n'est plus pertinente.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs le permettent-ils?

(La motion est retirée.)

(1740)

Énergie, environnement et ressources naturelles

Retrait de la motion tendant à autoriser le comité à siéger en même temps que le Sénat

À l'appel de la motion no 72:

Que le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles soit autorisé à siéger à 16 h 30, les mardis 6 et 13 juin 2000, afin d'entendre des témoins pour l'étude du projet de loi S-20, Loi visant à donner à l'industrie canadienne du tabac le moyen de réaliser son objectif de prévention de la consommation des produits du tabac chez les jeunes au Canada, même si le Sénat siège à ces moments-là, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je pense que le Sénat ne devrait pas adopter cette motion. Il ne s'agit pas d'un projet de loi d'initiative ministérielle. Généralement, on fait preuve d'une telle courtoisie lorsqu'un comité permanent étudie une initiative ministérielle et qu'un témoin spécial, comme un ministre, comparaît devant lui. Dans ces circonstances particulières, il est déjà arrivé que le Sénat autorise un comité à siéger en même temps que lui. Dans le présent cas, aucun de ces critères n'est satisfait, et j'exhorte donc les honorables sénateurs à rejeter cette motion.

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je comprends parfaitement les observations du sénateur Kinsella. Nous n'avons pas de raison particulière qui justifie que des sénateurs s'absentent de la Chambre pour assister à une séance du comité.

Le sénateur Taylor serait peut-être prêt à ajourner le débat pour permettre au sénateur Spivak de justifier cette façon de procéder. Pour l'instant, je partage toutefois l'avis du sénateur Kinsella.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Je dois avouer, honorables sénateurs, que j'ai examiné la motion un peu distraitement. Je n'avais pas vraiment réfléchi à fond à la question. Je pense que les deux sénateurs ont fait valoir des arguments valables. Le sénateur Spivak et moi-même avons discuté de la question. Nous avons convoqué des témoins au comité pour des séances ultérieures. Nous avons toutefois du temps devant nous, et je suppose que nous pourrons déplacer ces rendez-vous. Je vais communiquer avec le sénateur Spivak pendant le congé parlementaire afin de voir si nous pouvons réaménager notre horaire de manière à tenir compte des commentaires des deux sénateurs.

Le sénateur Hays: Le sénateur Taylor veut-il retirer la motion? Il y a suffisamment de temps pour en donner préavis et l'inscrire au Feuilleton de nouveau.

Le sénateur Taylor: Je demande que la motion soit retirée.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, autorisez-vous le retrait de la motion?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Hays: À titre de clarification, certains sénateurs se demandent si le débat est ajourné ou si cette motion a été retirée.

À ma connaissance, honorables sénateurs, cette motion a été retirée et sera rayée du Feuilleton. Même si la motion a été proposée par le sénateur Spivak, c'est le sénateur Taylor, le vice-président du comité, qui l'a présentée. Nous en avons débattu, et il résulte de ce débat que l'opposition et les leaders adjoints du gouvernement ont fait valoir qu'il ne convient pas que nous soyons saisis de cette demande sans justification. Le sénateur Taylor a demandé que la motion soit retirée. Par conséquent, elle sera rayée du Feuilleton et retirée.

Le sénateur Graham est-il d'accord avec cette façon de procéder?

L'honorable B. Alasdair Graham: La motion est au nom du sénateur Spivak. J'estime que la façon de procéder qui convient le plus et qui est la plus courante dans cette enceinte, au cas où cela susciterait des préoccupations, serait de permettre que la motion reste au Feuilleton plutôt que de la retirer. Plus tard, à la reprise de la séance, le président du comité pourrait alors fournir une explication qui convienne.

Le sénateur Hays: Honorables sénateurs, je ne vois pas d'inconvénient à ce que le sénateur Taylor, à titre de motionnaire, dise qu'il désire retirer la motion. Nous pouvons voir d'après le texte de la motion qu'il y a encore beaucoup de temps pour qu'on puisse présenter une autre motion à une date ultérieure et justifier la proposition de cette motion, comme l'a suggéré le sénateur Kinsella, avec qui je suis d'accord.

Si je comprends bien, nous nous sommes dits d'accord pour que la motion soit retirée et nous pouvons revenir aux avis de motions émanant du gouvernement.

(La motion est retirée.)

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motions émanant du gouvernement:

L'honorable Dan Hays (leader adjoint du gouvernement), avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, propose:

Que, lorsque le Sénat ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 30 mai 2000, à 14 heures.

(Le Sénat s'ajourne au mardi 30 mai 2000, à 14 heures.)


Haut de page